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  • Nécessité d’une Synergie entre la Police et l’Armée

    Nécessité d’une Synergie entre la Police et l’Armée

    Traduit de l’anglaispar Abdel-Aziz S. Ali Orou [coach.ali.translator@gmail.com]

    Résumé: Le paysage sécuritaire contemporain au Nigéria pose des défis sans précédent qui dépassent les capacités de protection de la seule police conventionnelle. Globalement, la lutte contre l’insurrection et d’autres crises sécuritaires nouvelles nécessite la collaboration de la police et des autres agences de sécurité concernées, en particulier l’armée. Toutefois, cette collaboration peut être entravée par les conflits inter-institutionnels récurrents entre la police et les autres structures en charge de la sécurité. Nous avons mené une étude sur ce phénomène. Notre étude de la police nigériane et de l’armée nigériane, dont les résultats sont détaillés ci-dessous, révèle que les principales causes du clivage entre les deux organisations sont, entre autres, la suspicion mutuelle entre les membres des deux organisations, les différences dans la structure hiérarchique des deux institutions et les complexes de supériorité.

    Le fond du problème: Ce document examine les comptes-rendus de conflits entre la police et l’armée nigérianes afin d’explorer les causes possibles du conflit et de mettre en exergue le besoin inévitable pour les deux institutions de travailler ensemble pour un maintien de l’ordre public efficace. Le document utilise la perspective de la théorie du conflit de Dahrendorf.

    Enoncé du problème: Comment employer le secteur de la sécurité d’une nation de manière coordonnée et efficace pour contrer les menaces de sécurité interne en toute légalité ?

    Que faut-il en déduire?: Il est suggéré que les agents et le personnel des deux institutions reconnaissent la pertinence de leur complémentarité et forgent des relations harmonieuses pour promouvoir un maintien de l’ordre public efficace. Si l’on veut gagner la guerre contre la criminalité et l’insurrection au Nigéria, le gouvernement doit également élaborer une politique de parité des grades entre les deux organisations.

    Nigerian Flag

    Source: pixabay.com

    La situation sécuritaire au Nigéria

    La nécessité d’une société plus sûre est devenue le premier devoir du gouvernement et de l’appareil de sécurité du Nigéria face à l’augmentation des menaces à la sécurité et à l’émergence du terrorisme. L’insécurité imprègne toute la nation, freinant la croissance économique[1] et menaçant même l’unité nationale[2]. Le discours sur la sécurité est donc très pertinent, mettant toutes les options sur la table pour s’assurer que la crise est traitée de manière appropriée. À cette fin, la police communautaire contemporaine relève principalement de la responsabilité des forces de police du Nigéria.

    Et le travail des forces de police n’est pas facile : le Nigéria est confronté à de nombreuses crises sécuritaires simultanées. Il s’agit notamment de Boko Haram dans le nord-est du pays, des activités des « bergers tueurs » qui ont touché des États nigérians comme Kaduna et Benue et se sont étendus aux États du sud-ouest comme Oyo et Osun, des enlèvements qui se multiplient dans presque tout le pays et d’autres formes plus courantes de criminalité comme les vols à main armée, etc. La police est donc confrontée à la tâche herculéenne d’assurer une sécurité adéquate des personnes et des biens menacés sur de multiples fronts. Il n’est pas surprenant qu’elle ne puisse pas le faire seule.

    Il s’agit notamment de Boko Haram dans le nord-est du pays, des activités des « bergers tueurs » qui ont touché des États nigérians comme Kaduna et Benue et se sont étendus aux États du sud-ouest comme Oyo et Osun, des enlèvements qui se multiplient dans presque tout le pays et d’autres formes plus courantes de criminalité comme les vols à main armée, etc.

    En raison de l’insécurité apparemment croissante au Nigéria, le travail de la police a été étendu à d’autres appareils de sécurité du gouvernement, comme l’armée, la marine, le corps de sécurité et de défense civile du Nigéria et, dans certains cas, la Civilian Joint Task Force (JTF civile) et d’autres groupes d’autodéfense. Pour faciliter une coopération efficace, les États du pays ont inauguré des forces opérationnelles conjointes de la police, de l’armée et du corps de défense civile. Dans les lieux où les attaques terroristes se multiplient, les gouvernements régionaux ont également engagé des chasseurs ou des groupes d’autodéfense locaux pour renforcer la sécurité de leurs États et, en définitive, protéger la vie des citoyens. Ces unités opérationnelles conjointes ont pris différents noms de code, comme l’opération MESA à Lagos, l’opération Burst à Oyo, l’équipe d’intervention rapide dans l’État d’Ogun et l’opération Yaki à Kaduna. Ces efforts de coopération renforcent l’interdépendance et l’interrelation des institutions de sécurité nigérianes. Cependant, les conflits qui surviennent souvent entre le personnel des différentes organisations de sécurité coopérantes menacent l’efficacité du travail de ces unités opérationnelles.

    Les affrontements incessants entre la police et l’armée restent énigmatiques malgré tous les efforts des différentes parties prenantes pour proposer une solution permanente à ces crises. Ce conflit inter-institutionnel permanent contribue de manière contre-productive aux problèmes de sécurité auxquels le pays est confronté, car les frères d’armes adoptent des comportements suspects et ne se font pas confiance. La relation entre la police et l’armée dans le pays a été décrite comme la relation d’un chat et d’une souris, suggérant une bataille de diabolisation et de subordination entre la police et l’armée[3]. Cette étude examine donc les raisons sous-jacentes des affrontements entre la police et l’armée au Nigéria, et vise à promouvoir une relation plus efficace et, par extension, à garantir une société plus sûre au Nigéria.

    Les affrontements entre la police et l’armée en rétrospective

    Tableau 1: Liste d’incidents entre militaires et policiers au Nigéria[4]

    Tableau 1: Liste d’incidents entre militaires et policiers au Nigéria[4]

    Le tableau ci-dessus offre un regard rétrospectif sur la couverture médiatique des affrontements entre la police et l’armée nigérianes entre 2010-2018:

    Les affrontements entre les officiers de la police et de l’armée nigérianes sont souvent totalement inexplicables dans le feu de l’action et peuvent provoquer la panique au sein de la société. Par exemple, des citoyens vaquant à leurs occupations ont été mis en émoi lorsqu’une bagarre a éclaté entre un policier et un soldat, ce qui a poussé les gens à se mettre à l’abri[5]. Souvent, les catalyseurs de ces affrontements peuvent être aussi simples qu’un désaccord ou un malentendu résultant du chevauchement des fonctions de ces institutions dans la société. Cependant, à y regarder de plus près, cette menace apparemment insondable pourrait en fait être un héritage de la colonisation et des années d’autocratie ayant suivi l’indépendance.

    La perspective du conflit selon Dahrendorf

    La perspective de conflit du sociologue germano-britannique Dahrendorf montre comment les relations dans la société sont déterminées non seulement par le déterminisme économique, mais aussi par l’équilibre du pouvoir entre les différents groupes de la société. Selon lui, le conflit sociétal est fondé sur l’autorité, ce qui entraîne une lutte permanente entre les groupes dominants et les groupes subordonnés de la société – un facteur qui pourrait expliquer les affrontements incessants entre la police et l’armée au Nigéria. Le conflit actuel entre les deux entités est le produit de la lutte pour l’autorité et la domination de l’une sur l’autre. L’exposition des militaires à la position d’autorité au Nigéria leur a donné un sentiment de supériorité[6]. Comme l’indique Alemika, le régime militaire au Nigéria a eu un effet négatif prolongé sur les fonctions et les opérations de la police. La période de régime militaire entre 1966 et 1999 a vu l’appauvrissement progressif des effectifs et de l’arsenal de la police jusqu’à ce que l’institution policière soit effectivement reléguée au plus bas dans l’architecture de sécurité du pays. Le retour à la démocratie en 1999 a marqué le retour de la police comme symbole de l’autorité civile dans le pays. Cependant, la nouvelle dynamique du pouvoir a accru la rivalité entre ces deux entités.

    Le conflit actuel entre les deux entités est le produit de la lutte pour l’autorité et la domination de l’une sur l’autre. L’exposition des militaires à la position d’autorité au Nigéria leur a donné un sentiment de supériorité.

    La théorie de Dahrendorf suggère que la lutte pour la domination est au cœur du conflit dans la société nigériane, comme l’illustre la relation entre la police et l’armée nigérianes dans l’exercice de leurs fonctions constitutionnelles. La relation entre la police et l’armée n’a pas vraiment changé pendant la période postérieure au régime militaire au Nigéria, comme le montre souvent le rapport professionnel dont le grand public a été témoin. Le cas d’un kidnappeur notoire, Wadume[7], est parfaitement adapté, montrant l’incroyable rivalité entre ces institutions sœurs.

    Les probands de l’étude

    Les auteurs ont mené une étude pour explorer en profondeur la dynamique du pouvoir et les affrontements sécuritaires entre l’armée nigériane et la police nigériane. L’étude a adopté une méthode mixte simultanée dans le but d’obtenir des informations significatives et approfondies des participants. Cette conception, sans préférence, est une combinaison d’orientations qualitatives et quantitatives complémentaires. Au total, 157 membres de l’armée et de la police nigérianes ont participé à l’étude.

    L’étude a adopté une méthode mixte simultanée dans le but d’obtenir des informations significatives et approfondies des participants. Cette conception, sans préférence, est une combinaison d’orientations qualitatives et quantitatives complémentaires.

    L’étude a été menée en utilisant la technique d’échantillonnage raisonné. La technique d’échantillonnage raisonné, en tant que technique d’échantillonnage non probabiliste, est essentielle à l’étude d’un groupe censé être bien informé sur le sujet d’intérêt. Pour le questionnement, l’étude a utilisé un questionnaire ouvert pour obtenir des informations des participants à l’étude, et un guide d’entretien ouvert a été utilisé pour l’entretien en profondeur. La procédure d’analyse a suivi la méthode mixte adoptée par l’étude. Une analyse descriptive simple a été utilisée pour le volet quantitatif de l’étude, tandis que l’analyse de contenu a été utilisée pour compléter les informations obtenues dans le volet quantitatif de l’étude. Sur le plan éthique, l’étude a reçu l’approbation des autorités de la police et de l’armée nigérianes pour sa réalisation. La participation à l’étude a été sous le couvert de l’anonymat.

    Tableau 2: Variables socio-démographiques des participants

    Tableau 2: Variables socio-démographiques des participants

    Le tableau ci-dessus montre la répartition socio-démographique en pourcentage des répondants qui ont participé à l’étude. L’étude a montré que la majorité des répondants étaient âgés de 25 à 31 ans.

    Afin de faciliter une meilleure relation entre la police et l’armée au Nigéria, l’étude visait à découvrir les raisons possibles des affrontements incessants entre les deux institutions. L’étude a utilisé le respect mutuel, le mode de formation, les luttes de pouvoir et la promotion pour mesurer les raisons possibles de ces affrontements. En ce qui concerne les causes des affrontements, 57,3 % des participants pensent qu’il n’y a pas de respect mutuel entre les policiers et les soldats, la plupart de ces répondants affirmant que la raison possible de ce manque de respect est la lutte pour la suprématie entre les deux institutions.

    La majorité des participants ont également souligné le rôle de la formation comme cause possible de conflit. La majorité des participants à l’étude ont affirmé que les formations du personnel des deux institutions étaient différentes et distinctes et qu’elles étaient donc un catalyseur du conflit inter-institutionnel. Ils ont affirmé que les policiers sont exposés à une formation entièrement différente de la formation militaire, ce qui affecte l’image que chacune des institutions a de l’autre. En fin de compte, cette différence influence la relation « supérieur-inférieur » qui se joue actuellement entre ces institutions.

    La majorité des participants à l’étude ont affirmé que les formations du personnel des deux institutions étaient différentes et distinctes et qu’elles étaient donc un catalyseur du conflit inter-institutionnel. Ils ont affirmé que les policiers sont exposés à une formation entièrement différente de la formation militaire, ce qui affecte l’image que chacune des institutions a de l’autre.

    Lorsqu’on les interroge sur les problèmes de lutte pour le pouvoir, 35% des personnes interrogées pensent que les affrontements sont toujours dus à une lutte pour le pouvoir entre elles. Tout en considérant le chevauchement de leurs responsabilités et l’abus de pouvoir, 52,7% de ceux qui ont affirmé que le conflit de pouvoir est responsable du conflit ont affirmé que la question de la supériorité en est la cause principale.

    Certaines des personnes interrogées ont souligné que le manque d’ouverture d’esprit de la part du personnel de l’armée et de la police nigérianes contribue souvent à l’impasse entre ces institutions. Une personne interrogée a affirmé que la nature de l’insécurité dans le pays a justifié la création par le gouvernement d’opérations conjointes entre les différentes institutions de sécurité gouvernementales pour faire face aux crises de sécurité dans le pays. Toutefois, cela ne devrait pas nécessairement faire des forces de police des subordonnés de l’armée nigériane. Il est intéressant de noter que l’un des participants interrogés a affirmé que l’architecture de sécurité du Nigéria contribue à la crise en ne donnant pas de fonctions qui se chevauchent à ces institutions. Certains de leurs points de vue sont présentés ci-dessous:

    « En un mot, l’indiscipline et, pour aller plus loin, c’est le résultat de l’insouciance que nous avons dans le système nigérian en général. S’il y a une discipline et qu’elle est suivie à la lettre, nous ne devrions pas avoir de crises de ce genre, car en premier lieu, ils sont censés travailler ensemble pour le bien de la société dans son ensemble. En ce qui concerne l’insouciance, je dirais encore une fois que c’est une culture de l’impunité à laquelle nous sommes habitués au Nigéria. La perception erronée de la supériorité des militaires sur les policiers leur prend la tête et les incite à mal se comporter. En outre, les fonctionnaires de police font un usage excessif du pouvoir. Si la discipline est présente, par exemple, un soldat ne doit pas frapper un policier, même en présence de la loi, il doit en référer à son supérieur. De même, le policier doit savoir qu’il ne doit pas agresser qui que ce soit et encore moins un collègue agent de sécurité. » (Juriste)

    « C’est le résultat de l’ego personnel entre les jeunes gradés. Je ne pense pas que cela doive miner la relation entre les deux organisations. Parce que si cela avait miné l’organisation qu’ils représentent, nous n’aurions pas de bonnes relations avec la direction de l’autre organisation. Donc, la relation de travail a été très cordiale ». (Officier supérieur de police 2)

    Les participants à cette étude qui ont été interrogés ont exprimé des sentiments mitigés concernant la cause des affrontements entre la police et l’armée. Il est important de mentionner qu’il ne semble pas y avoir d’explication absolue à ces événements tragiques, bien que les participants aient pointé du doigt le manque de discipline et la lutte pour la supériorité comme un facteur critique contribuant à la crise entre la police et l’armée.

    Dispositions constitutionnelles pour la collaboration entre la police et l’armée

    En plus d’examiner la cause profonde du conflit inter-institutionnel, l’étude a cherché à comprendre la perception des participants sur les dispositions constitutionnelles relatives à la collaboration entre la police et l’armée. Cette question est devenue très importante compte tenu du fait que la Constitution de la République fédérale du Nigéria définit clairement que l’armée sera principalement utilisée pour faire face aux agressions extérieures et pour réprimer les insurrections, la Constitution prévoit également que la police maintiendra la paix et l’ordre sur le territoire nigérian. Le/la Président(e) est également habilité(e) par la Constitution à confier aux militaires d’autres missions qu’il/elle juge nécessaires, même à l’intérieur du pays. C’est sur cette base qu’a été posée la question visant à déterminer la compréhension du personnel de ces institutions concernant la collaboration opérationnelle.

    La grande majorité des personnes interrogées pensent qu’il est juste que la police et l’armée collaborent pour renforcer la sécurité dans le pays. De même, 84,7% des répondants ont affirmé que la collaboration entre la police et l’armée est constitutionnelle. Seul un maigre 15,3 % des personnes interrogées pensent que la Constitution du Nigéria ne prévoit pas de collaboration entre l’armée et la police.

    En outre, l’étude a demandé s’il existait une prise de conscience adéquate quant à la meilleure façon de collaborer. En réponse à cette question, 74,5% des participants pensent que les hommes et les officiers des institutions sont suffisamment sensibilisés. En comparaison, 25,5% des personnes interrogées étaient également d’avis qu’il n’y avait pas de sensibilisation adéquate des agents et des hommes aux dispositions de la Constitution en matière de collaboration. 66% des personnes interrogées pensent qu’il faut clarifier les choses pour que les officiers prennent conscience de la nécessité d’une collaboration entre les institutions.

    De même, les personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont été invitées à donner leur avis sur le rôle de la constitution de la République fédérale du Nigéria dans les efforts de collaboration des institutions de sécurité du pays. Certains participants pensent que la constitution est suffisamment explicite pour créer un groupe opérationnel conjoint afin de maintenir la paix et l’ordre dans la société. Certains participants ont fait valoir que la constitution donne la capacité de prérogative au Président, ce qui a conduit à la création de diverses initiatives de groupes opérationnels conjoints à travers le pays. Cet arrangement constitutionnel ne relègue pas et ne devrait pas reléguer l’effort et la capacité de la force de police nigériane à ce qui pourrait être décrit comme un « second rôle », « inférieur » ou « incapable ». Certaines opinions des répondants sont présentées ci-dessous:

    « Je ne pense pas qu’il y ait un problème à ce sujet. Je pense que, qu’il s’agisse d’un édit ou de la loi, une fois stipulé(e), le personnel doit simplement s’adapter à une telle disposition. Je pense que la police doit diriger parce que nous savons comment lutter au mieux contre la criminalité et cela ne peut pas créer de fossé entre les soldats et les policiers. » (2PPRO_M_P)

    « Je ne suis absolument pas d’accord avec le fait que la Constitution de la République fédérale contribue de quelque manière que ce soit à cette menace, car la Constitution de tout pays doit tenir compte de cette situation. Nous avons le ‘Nigeria Police Act’ qui définit clairement le rôle de la police, qui est de maintenir l’autorité civile, et l’armée a son propre rôle dans la constitution. » (P3_E_Oyo)

    Les personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont également été invitées à donner leur avis sur les méthodes les plus appropriées que le gouvernement peut employer pour résoudre ces conflits inter-institutionnels. Les répondants ont souligné que la responsabilité d’assurer la conformité légale et constitutionnelle entre ces institutions incombe au gouvernement. Il a été suggéré que le gouvernement établisse intentionnellement une synergie stratégique et objective entre la police et l’armée pour réprimer les affrontements incessants – une question d’urgence en raison de l’accroissement sans précédent de l’insécurité dans le pays. Une solution possible au problème résiderait dans les efforts de collaboration du pays.

    Discussion

    Les résultats de cette étude confirment l’affirmation de Ralf Dahrendorf selon laquelle les conflits sont principalement basés sur une lutte pour l’autorité ou le pouvoir. Cette affirmation est vraie si l’on considère les opérations de la police et de l’armée nigérianes, car elles doivent toutes deux travailler ensemble malgré les affrontements incessants qui se produisent entre elles. Cette étude affirme également que la relation entre la police et l’armée au Nigéria est une relation de type « chat et souris « [8]. La police et l’armée sont constamment dans une relation entourée de suspicion où elles se détestent mais sont obligées de travailler ensemble.

    Cette affirmation est vraie si l’on considère les opérations de la police et de l’armée nigérianes, car elles doivent toutes deux travailler ensemble malgré les affrontements incessants qui se produisent entre elles.

    De même, l’étude a révélé que la question de la supériorité joue également un rôle essentiel dans le passé. Les membres du personnel des deux agences s’affrontent parfois en raison de leurs grades, certains faisant référence à la structure hiérarchique de l’institution à laquelle ils appartiennent. Cela a causé des difficultés indicibles non seulement aux personnels de leur institution, mais aussi à d’innocents citoyens que ces hommes et ces femmes ont juré de protéger au péril de leur vie.

    Même sans l’intention de découvrir des incohérences dans les déclarations du personnel, l’étude a trouvé un taux élevé de déni. Cela pourrait être une tentative de certains participants à l’étude de projeter positivement l’image des institutions. Malgré l’évidence, certains membres du personnel des deux organisations ne croient pas qu’il y ait un conflit entre la police et l’armée, et ils ne sont donc pas prêts à admettre qu’il s’agit d’un problème qui nécessite une attention urgente. Ce déni maintient la menace toute vive car aucune mesure ne peut être prise pour résoudre ce problème si les acteurs clés n’acceptent pas la réalité.

    Recommandations

    On ne saurait trop insister sur la nécessité d’une relation efficace entre la police et l’armée, compte tenu des divers défis auxquels le pays est confronté ces derniers temps. Bien qu’il existe une possibilité d’harmonisation forte entre les deux institutions, des mesures clés doivent être prises pour aider à réaliser cet exploit louable, qui contribuera à faire progresser l’infrastructure de sécurité du pays. Certaines de ces étapes sont les suivantes :

    • Le respect mutuel : La question du respect mutuel est essentielle pour établir une relation efficace entre la police et l’armée. Cette étude révèle qu’une partie des frictions inter-institutionnelles est due à un manque de respect mutuel des personnels. Cela implique la reconnaissance du statut d’officier supérieur par les deux institutions. De même, la question du respect mutuel implique que les officiers de l’institution rendent le salut de manière adéquate et attendue. De nombreux affrontements entre les officiers de la police et de l’armée nigériane résultent d’un manque de respect mutuel entre eux. Cela signifie que ces affrontements pourraient être évités si la reconnaissance l’équivalence des grades était effective entre la police et l’armée.
    • Relation de pré-collaboration: Il est important de répéter à ce stade que la collaboration entre la police et l’armée est plausible, mais qu’elle serait grandement améliorée par l’établissement d’une relation de pré-collaboration entre les deux institutions. Cette relation de pré-collaboration pourrait prendre la forme d’un niveau de formation conjointe, notamment dans le domaine civil, afin de créer un lien entre les officiers représentant les deux institutions. De plus, les autorités des institutions devraient proposer des stratégies réalisables et concrètes qui pourraient aider à créer la synergie nécessaire entre la police et l’armée pour combattre l’ennemi commun: la criminalité dans le pays.


    Olaniyi Olumayowa: ses recherches portent sur les domaines du maintien de l’ordre public et de la sécurité publique. Sociologue formé à l’Université Obafemi Awolowo, il a développé un intérêt particulier pour le domaine de la criminologie.

    Lanre Ikuteyijo a suivi une formation de sociologue et d’anthropologue avec une spécialisation en criminologie et en recherche sociale à l’Université Obafemi Awolowo d’Ilé-Ifè. Il a obtenu plusieurs bourses dans d’autres universités en Afrique et ailleurs, notamment à l’université de Stellenbosch, en Afrique du Sud, et à l’université Brown, aux États-Unis. Ses publications actuelles incluent Social Dynamics of Prison Philosophies in Nigéria, publié par Cambridge Publishers, UK; The Challenges of Community Policing in Nigéria, publié par Sage Publishers, UK; entre autres. Le Dr Ikuteyijo est membre expérimenté du corps professoral de l’Université Obafemi Awolowo.


    [1] I.C. Achumba, O. S. Ighomereho and M. O. M. Akpor-Robaro, “Security Challenges in Nigeria and the Implications for Business Activities and Sustainable Development,” Journal of Economics and Sustainable Development 4, no. 2 (2013): 1700-2222.

    [2] Olabanji Olukayode Ewetan and Ese Urhie, “Insecurity and Socio-economic Development in Nigeria,” Journal of Economics and Sustainable Development 5, no. 1 (2014): 40-63.

    [3] Bayo Olupohunda, “Confessions of a Soldier: Why We Hate the Police,” Naijalog, January 23, 2014, https://doi.org/10.1111/j.1467-8330.2008.00613.x.

    [4] References: Gwendoly Njoku, “Wadume: Police Narrate How Billionaire Kidnap Kingpin Was Rearrested,” Daily Post, August 20, 2019; Ojo Damisi, “Soldiers and Police clash in Ondo,” The Nation Newspaper, December 12, 2017; Osagie Otabor, “15 injured as Army, police clash in Edo,” The Nation Newspaper, August 08, 2015; Bolaji Ogundele, “Many injured as police, air force personnel clash,” The Nation Newspaper, July 18, 2017, http://thenationonlineng.net/many-injured-police-air-force-personnel-clash/; J. Isiquzo & M. Ekene-Okoro, “Two Dead, Five Injured in Police, Civil Defence Clash,” The Nation Newspaper, March 28, 2013, http://thenationonlineng.net/two-dead-five-injured-in-police-civil-defence-clash/; AFP, “Four Dead in Army, Police Clashes in Yobe,” Guardian Newspaper, April 13, 2017, https://guardian.ng/news/four-dead-in-army-police-clashes-in-northeastern-nigeria/; Tony Akowe, “Army, Police Probe Clash of their Men in Ibadan,” The Nation Newspaper, April 13, 2013, http://thenationonlineng.net/soldiers-police-clash-ondo/; Prince Okafor, “Navy, Policemen Clash in Lagos over Tankers’ Movement,” Vanguard Newspaper, May 09, 2018, https://www.vanguardngr.com/2018/05/navy-policemen-clash-lagos-tankers-movement/; Emma Nnadozie & Evelyn Usman, “Bloody Clash Averted as Soldiers Invade Lagos Police Station,” Vanguard Newspaper, March 22, 2017, https://www.vanguardngr.com/2017/03/bloody-clash-averted-soldiers-invade-lagos-police-station/; Josiah Oluwole, “Pandemonium as Soldiers, Police Clash in Ekiti,” Times, December 30, 2017, https://www.premiumtimesng.com/news/headlines/253970-pandemonium-soldiers-police-clash-ekiti.html; Olasunkanmi Akoni, “Soldiers, Police in Fresh Clash in Lagos,” Vanguard Newspaper, June 24, 2011, https://www.vanguardngr.com/2011/06/soldiers-police-in-fresh-clash-in-lagos/; Simon Ebegbulem, “5 Killed as Soldiers, MOPOL Clash in Benin,” Vanguard, March 12, 2010 and Vanguard, “Police/Army clash: Why Espirit de Corps Must Not Go on Exile,” Vanguard Newspaper, June 08, 2011, https://www.vanguardngr.com/2011/06/policearmy-clashwhy-espirit-de-corps-must-not-go-on-exile/.

    [5] https://theeagleonline.com.ng/ebonyi-pandemonium-as-soldiers-policemen-clash-over-impounded-tricycle/.

    [6] Etannibi E. O. Alemika, “History, Context and Crisis of the Police in Nigeria,” Repositioning the Nigeria Police to Meet the Challenges of Policing a Democratic Society in the Twenty-First Century and Beyond (November 11, 2010): 1-19.

    [7] https://www.africanews.com/2019/08/09/nigeria-police-demands-justice-after-deadly-clash-with-soldiers/.

    [8] Olupohunda, “Confessions,” Naijalog, January 23, 2014.

  • Comprendre le Terrorisme en Afrique de L’Ouest

    Comprendre le Terrorisme en Afrique de L’Ouest

    Traduit par Abdel-Aziz S. Ali Orou [coach.ali.translator@gmail.com]

    Résumé: Il est louable que les pays ouest-africains se soient résolus à prendre le taureau par les cornes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La détermination des leaders de la sous-région à financer à hauteur d’un milliard de dollars US leurs efforts d’endiguement des audacieuses attaques en constante croissance dans la zone est sans précédent. Le plus intriguant encore reste la priorité donnée à la cause au cœur d’un stress économique déclenché par une pandémie des plus actives. Le terrorisme international sévit dans la région et tous les outils, le renseignement, l’économie, le social, la politique et l’armée, doivent être mis à contribution pour en éteindre les flammes.

    L’essentiel du message: Dans la lutte contre ce fléau, il importe toutefois que les acteurs nationaux et régionaux en première ligne comprennent le terroriste. Oui, tout acteur de la sécurité peut prétendre détenir une connaissance de ce qu’est le terrorisme – grâce à Ben Laden – mais ceux qui se trouvent en position de décideurs de stratégies de lutte se doivent d’avoir une meilleure compréhension du terrorisme et du terrorisme international. Le terrorisme va au-delà des attentats du 11 septembre 2001, puisqu’il peut y avoir des différences dans les objectifs politiques, la motivation, le champ d’action, le mode de recrutement, le parrainage et la structure organisationnelle. Au niveau religieux, il existe des différences sectaires dans les interprétations qui influencent les activités terroristes.

    Problématique: Comment utiliser la compréhension des dynamiques du terrorisme sous-régional pour transformer la connaissance en dispositions proactives et préventives dans la lutte contre la menace terroriste ?

    Que faut-il retenir?: Les responsables de la sécurité sous-régionale et les leaders politiques peuvent prendre acte de la complexité du problème à résoudre et ne pas consacrer une importante part des milliards de dollars à la militarisation du conflit. Ceci exige l’investissement dans le développement socio-économique centré sur l’humain. Mieux, les gouvernements se doivent d’impliquer les experts en terrorisme qui comprennent le mieux l’aspect psychologique des activités terroristes à l’occasion de leurs échanges avec les principaux responsables de la sécurité.

    Globe of Terrorism, War, Conflict

    Source: shutterstock.com/Vector FX

    Terrorisme régional et diversité mondiale

    La plupart de systèmes de sécurité de la région de l’Afrique de l’Ouest et les stratégies adoptées par ces nations après l’indépendance ont principalement porté sur la stabilité intérieure et, dans une certaine mesure, sur la sauvegarde de l’intégrité territoriale de leurs États respectifs. La présence du terrorisme a menacé ces obligations traditionnelles en matière de sécurité. La situation exige en définitive une approche différente en matière de stratégie. Cela signifie qu’il faut comprendre qui sont les terroristes, savoir comment ils opèrent, comprendre leurs mécanismes de défaite et adopter les stratégies qui ont fonctionné dans différentes situations dans le monde pour les combattre.

    De nombreuses actions menées par des acteurs malintentionnés peuvent être qualifiées de terrorisme. Qu’il s’agisse de cambriolages de voisinage, de vols à main armée qui tournent aux drames sanglants ou d’attaques ciblées d’opposants politiques, la région connaît un certain degré de violence. Il est donc tentant de confondre une action à une autre lorsqu’on entreprend d’identifier ce qui constitue le terrorisme tel qu’il est discuté ici. C’est pour cette raison que le terrorisme international a souvent besoin d’être défini. Il est vrai que beaucoup de gens, sans risque de confusion, peuvent facilement déchiffrer un vol à main armée d’un attentat suicide. Cependant, si nous nous penchons sur le sujet du terrorisme international, la nécessité de définir et de différencier les types de terrorisme est en soi importante dans la lutte contre celui-ci.

    Il est vrai que beaucoup de gens, sans risque de confusion, peuvent facilement déchiffrer un vol à main armée d’un attentat suicide.

    Pour commencer, Boko Haram n’est pas une organisation terroriste internationale typique. C’est une déclaration assez radicale, il faut le reconnaître. La définition récente du terrorisme international, en tant que concept, a été fortement influencée par les attentats du 11 septembre 2001 et les événements subséquents[1]. Lorsqu’un groupe d’acteurs non étatiques, pour la plupart de nationalités différentes, souvent difficilement localisables et généralement décentralisés, planifie et mène des attaques contre des intérêts étatiques à des fins religieuses, idéologiques et de propagande, on peut parler de terrorisme international. On sait que des citoyens de différentes nationalités ont contribué à des degrés divers à l’attentat du 11 septembre 2001. Si Ben Laden était un Saoudien connu aux racines yéménites, son adjoint, Zawahiri, et Mohammed Atta, le commandant de l’opération, étaient égyptiens.

    La définition du terrorisme international donnée par les Nations Unies en 2005, malgré sa connotation de type « 11 septembre 2001 », aide à catégoriser les différents types de terrorisme. Malheureusement, la sous-région compte différents types d’organisations terroristes opérant à l’intérieur des frontières de plusieurs États membres. Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), puis la filiale d’ISIS dans la région, sont les organisations terroristes internationales qui opèrent dans la sous-région. Elles sont composées de différentes nationalités et planifient des attaques à travers les États. D’autre part, Boko Haram est une organisation terroriste ayant des aspirations géopolitiques. Le groupe veut former un État basé sur son interprétation des doctrines religieuses dans le nord du Nigeria. À des fins opérationnelles, le groupe a fait connaître sa présence dans trois autres États, le Cameroun, le Tchad et le Niger, adoptant ainsi une perspective « internationale ». Néanmoins, Boko Haram n’est pas Al-Qaïda ni sa version miniature. Il s’agit, au mieux, d’une organisation terroriste régionale. En fait, lorsque Boko Haram a prêté allégeance à ISIS, cela n’a pu durer qu’un temps, car les deux groupes ont des objectifs différents et des moyens différents pour les atteindre.

    Diversité des motivations

    Les récentes attaques en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso sont une expression de ce que le terrorisme international représente. Les attaques contre les intérêts occidentaux, en particulier les cibles françaises dans ces pays, ne visent pas nécessairement à construire des entités politiques territoriales, mais à frapper leurs ennemis supposés là où ça fait mal[2]. Les terroristes pensent que la meilleure façon de riposter à « l’incursion » occidentale dans leurs refuges du Maghreb et du Sahel est d’attaquer leurs intérêts économiques et politiques dans des endroits éloignés de la région. Tout comme Oussama ben Laden a décidé qu’un attentat à New York devait être une riposte à la « profanation » par l’Occident des terres saintes de l’Islam – une position que de nombreux musulmans modérés ne partagent pas.

    Les terroristes pensent que la meilleure façon de riposter à « l’incursion » occidentale dans leurs refuges du Maghreb et du Sahel est d’attaquer leurs intérêts économiques et politiques dans des endroits éloignés de la région.

    La raison pour laquelle les terroristes internationaux du Sahel et du Maghreb considèrent la région comme leur foyer est essentielle pour comprendre et trouver des remèdes au terrorisme dans la sous-région. Historiquement, la région a connu une domination islamique remontant à l’Empire Songhaï, à celui du Mali et bien au-delà[3]. Pour les terroristes panislamiques, toute incursion occidentale sur le territoire est donc une attaque aux frontières de l’islamisme. Il existe un mouvement idéologique de certains groupes visant à mettre en œuvre la forme la plus stricte de l’islam dans la région afin de parvenir à une certaine renaissance puritaine, et la présence de l’Occident est considérée comme une antithèse à cela[4]. L’islam puritain peut en outre avoir pour but, intentionnel ou non, d’être utilisé comme un rempart contre l’influence des populations chrétiennes plus riches du sud ou de la côte de la sous-région. Le Ghana fait partie des États côtiers dominés par les chrétiens, bien que l’intérêt de la France y soit limité.

    Le terrorisme international doit également être distingué du séparatisme. Cette affirmation peut sembler superflue à première vue, car il est beaucoup plus facile de faire la différence entre, par exemple, les séparatistes du Biafra et les terroristes de Boko Haram. Cependant, lorsque nous trouvons des groupes séparatistes et des organisations terroristes sur les mêmes territoires ou sur des territoires qui se chevauchent, faire la distinction devient pertinent pour gagner le combat. Il y a quelques années, la présence d’Al-Qaïda et d’autres organisations terroristes était souvent confondue avec la rébellion Touareg au Sahel, en particulier au Mali. Il se peut que ces deux groupes très distincts aient coopéré pour combattre un « ennemi commun » – les forces gouvernementales dans la région – mais ils n’ont jamais été les mêmes[5].

    La reconnaissance de ce fait rendra la lutte contre le terrorisme relativement plus facile pour les décideurs politiques en charge de la mission. Il serait dans leur intérêt de connaître les rebelles politiques et les séparatistes, de les engager par le dialogue et l’instauration de la confiance plutôt que de les combattre comme s’ils étaient des terroristes. L’engagement avec les séparatistes et les rebelles les dissuade de partager des aspirations avec les extrémistes. Lorsqu’ils sont confrontés à un antagonisme insupportable de la part des forces régionales et des acteurs étatiques, les Touaregs – étant essentiellement de foi musulmane – chercheront plus probablement une alliance et un répit avec les terroristes. Les stratèges de la région doivent examiner cet aspect de manière plus critique. Au milieu des années 2000, lorsque l’insurrection a fait des victimes parmi les forces américaines en Irak, la superpuissance mondiale a reconnu la nécessité de séparer les adhérents sunnites mécontents des terroristes d’Al-Qaïda. L’effort d’engagement et de renforcement de la confiance qui a suivi a permis de réduire considérablement les attaques contre les forces américaines dans le pays.

    Transformer la compréhension en solutions

    Les activités des ethnies nomades et des bouviers dans la sous-région ont été mises en avant ces derniers temps chaque fois qu’il était question de potentiel d’instabilité. Les responsables de la sécurité dans la région doivent se pencher sur ce problème de toute urgence, car s’il est ignoré, il pourrait profiter aux terroristes. Les nomades de la sous-région, comme les séparatistes Touaregs, sont généralement favorables à l’État islamique. Grâce à leur mobilité naturelle dans la région, les groupes nomades peuvent se voir offrir une protection en échange de leur soutien et de leur acceptation des enseignements religieux extrémistes. Les raisons des affrontements incessants entre les éleveurs et agriculteurs sédentaires sont multiples. Elles vont du changement climatique à la xénophobie, et il incombe aux responsables politiques de traiter le problème avec tact au niveau intergouvernemental en raison de son aspect transnational. Les extrémistes religieux peuvent armer ces groupes dans le cadre de la mise en œuvre de leur propre stratégie. Ils peuvent également constituer une cible facile pour recruter de jeunes de la sous-région dans leurs rangs. Avec leur connaissance du terrain, cela pourrait être dévastateur si ce n’est déjà le cas. Dans la lutte contre le terrorisme, les forces conventionnelles et les décideurs politiques doivent se faire plus d’amis que d’ennemis – les groupes nomades devraient faire partie de ces amis.[6]

    Un point plus controversé mais très important est que les terroristes tels que nous les connaissons dans la sous-région prônent le puritanisme religieux. Cependant, tous les puritains religieux ne sont pas des terroristes, ne veulent pas être des terroristes ou même ne soutiennent pas le terrorisme. Les agents de sécurité sur le terrain et aux frontières de la guerre peuvent en tenir compte et modifier les indicateurs dans leur analyse des renseignements recueillis. Par exemple, les enseignements religieux insistant sur le port du hijab par les femmes peuvent être qualifiés de puritains. Toutefois, tant que le prédicateur ne recommandera pas que quiconque a le droit de faire du mal à ceux qui défient ces enseignements, ces derniers ne devraient pas conduire à une réaction excessive des acteurs de la sécurité de l’État. La plupart du temps, ce que l’on qualifie de radicalisation relève plutôt du conservatisme. Par exemple, le refus des autorités saoudiennes d’autoriser les femmes à conduire, au fil des ans et jusqu’à récemment, n’a pas été considéré comme une politique radicale. Les méthodes de recrutement sophistiquées développées par les organisations terroristes tirent souvent parti des erreurs commises par les forces de sécurité et les agents de renseignement en quête de sympathie. Toute fausse arrestation ou tout assassinat fondé sur ce qui peut être pris pour des déclarations en faveur du terrorisme augmente les chances que le terroriste gagne le cœur des personnes mécontentes de ces actions. Les renseignements sur les prédicateurs religieux ayant une interprétation extrême des livres saints, s’ils méritent d’être observés, ne doivent pas conduire à des réactions excessives[7]. Comme pour tout autre système, il existe des spectres qui représentent la mesure de l’engagement des individus. Récemment, en Europe, de nombreux mouvements et partis d’extrême droite ont coexisté pacifiquement dans leurs communautés sans être intimidés par les agents de sécurité[8]. Tant qu’ils ne choisissent pas la violence comme voie et que les services de sécurité les surveillent, ils sont libres d’exprimer leurs opinions et de poursuivre leurs idéologies, aussi ultraconservatrices soient-elles.

    Les méthodes de recrutement sophistiquées développées par les organisations terroristes tirent souvent parti des erreurs commises par les forces de sécurité et les agents de renseignement en quête de sympathie.

    Certes, l’analogie avec les États-Unis peut sembler assez détachée, car un pays doté de l’un des meilleurs systèmes de sécurité n’est peut-être pas comparable aux pays en difficulté de l’Afrique de l’Ouest. Il est toutefois important de tirer profit du principe qui veut que pour chaque prédicateur radical dans une communauté, il y ait une voix modérée et plus progressiste. La stratégie devrait consister à rechercher les progressistes et à s’engager avec eux comme facteur de neutralisation des radicaux et des extrémistes. Les radicaux eux-mêmes peuvent être approchés si nécessaire. De nombreux pays ont pour position officielle de « ne pas négocier avec les terroristes ». Cependant, il existe également de nombreux cas où ces États ont trouvé des moyens de négocier avec eux pour rapatrier leurs citoyens pris en otage – du moins discrètement[9]. C’est ce qu’on appelle le pragmatisme. Parfois, il est même important d’engager le dialogue avec des radicaux qui n’en sont qu’aux premiers stades de leur comportement militant. Le recours à une force flagrante pour réprimer leurs activités ou les éliminer n’apportera pas une plus-value à la lutte globale. Le Nigéria avec Boko Haram est un exemple classique de ce genre d’erreur de calcul et d’actions sommaires qui se révèlent désastreuses. Jusqu’à ce que son fondateur Mohammed Yusuf soit sommairement exécuté par la police en 2009, Boko Haram aurait pu être décrit comme un groupe d’autodéfense aux convictions religieuses extrêmes. L’exécution de Mohammed Yusuf a littéralement donné l’occasion à ses adeptes de donner des proportions gigantesques à leur cause. Les experts s’accordent à dire que même dans le cas d’organisations terroristes bien établies, il est parfois préférable de maintenir en vie les chefs connus, car les successeurs des chefs tués ont tendance à asseoir leur autorité en multipliant les recrutements, les attaques et la brutalité calculée[10].

    Pas d’issue facile…

    Cela nous conduit à l’horrible vérité. Les terroristes sont sauvages, non conventionnels et brutaux, mais ce sont des acteurs rationnels – en particulier ceux qui occupent des postes de direction. Bien qu’il soit difficile pour certains acteurs étatiques de l’admettre ouvertement, reconnaître ce fait rendra la lutte contre le terrorisme dans la sous-région plus pratique. Le plus souvent, ce que le citoyen ordinaire retient des informations sur le terroriste, c’est qu’il s’agit d’un individu irrationnel qui se suicide avec l’intention d’entraîner d’autres innocents avec lui.

    En réalité, la personne qui meurt est souvent une arme du chef ou du commandant plus rationnel qui contrôle l’attaque. Pendant la planification et l’exécution, ils ont élaboré des directives et même des motifs pour chaque attaque. Le terroriste n’attaque pas à moins que cette action ne serve nécessairement son objectif. Ils ne se lancent pas dans des offensives désordonnées. Les attaques doivent atteindre des objectifs multiples : inspirer la peur, enhardir leurs rangs, susciter la sympathie, attirer le recrutement et être conformes aux principes religieux qu’ils défendent. Il s’agit là d’un mélange complexe dont la réalisation exige des acteurs rationnels. Dans de nombreux cas, les dirigeants d’organisations terroristes ont adouci leur position pour réorienter leurs objectifs. Une telle malléabilité ne peut être le fait que d’acteurs rationnels. Au milieu des années 2000, lorsqu’Al Zarqawi a pris le contrôle de l’Irak sous l’égide d’Al-Qaïda et qu’il a adopté la commission des attentats à la bombe aveugles pour asseoir son autorité, le groupe-souche dirigé par Ben Laden n’en était pas ravi[11]. Plus intéressant encore, de nombreux terroristes ont eu à faire preuve d’un rationalisme plus sophistiqué que bien d’acteurs étatiques de haut rang. Alors que certains États hésitaient à se rencontrer pour niveler leurs différends à la faveur de négociations, les dirigeants des talibans ont décidé de s’asseoir avec les États-Unis à Doha, au Qatar, pour négocier le futur rôle du groupe en Afghanistan et les conditions qui y mèneraient. Cela s’est produit à un moment où ils avaient l’avantage stratégique dans le conflit, et où un retrait imminent des forces américaines leur ouvrait peut-être la voie pour prendre le pouvoir. Il s’agissait manifestement d’une décision qui n’aurait pu émaner que d’une évaluation rationnelle de la situation de guerre par les talibans.

    Alors que certains États hésitaient à se rencontrer pour niveler leurs différends à la faveur de négociations, les dirigeants des talibans ont décidé de s’asseoir avec les États-Unis à Doha, au Qatar, pour négocier le futur rôle du groupe en Afghanistan et les conditions qui y mèneraient.

    Les caractéristiques susmentionnées du terrorisme exigent des tactiques et des stratégies peu orthodoxes. Les chefs de la sécurité sous-régionale et les dirigeants politiques peuvent tenir compte de la nature complexe du problème à résoudre et ne pas dépenser des milliards de dollars pour militariser le conflit. Il faut pour cela investir dans un développement socio-économique axé sur l’humain. Des programmes d’emploi pour les jeunes, la fourniture d’équipements sociaux tels que des installations sanitaires et éducatives. La mise à disposition de facilités de microcrédit pour des groupes ciblés tels que les femmes et les petits exploitants agricoles serait également suffisamment responsabilisante pour contrôler l’influence des groupes terroristes sur les populations locales. En outre, les gouvernements, tout en faisant appel à des responsables de la sécurité traditionnelle, doivent faire appel à des experts en terrorisme qui peuvent mieux comprendre l’aspect psychologique des activités terroristes. En Irak, le général David Petraeus avait avec lui d’autres conseillers qui comprenaient la psyché des insurgés pour l’aider à renverser la situation – ce qu’il a fait à l’époque.

    Avec une meilleure compréhension – censée aller au-delà de cet article – de la sophistication du nouveau défi sécuritaire pour les dirigeants de la sous-région, notre détermination à contribuer à notre sécurité portera des fruits.


    Fidel Amakye Owusu est un analyste en relations internationales possédant environ 6 ans d’expérience dans le domaine. Il s’est intéressé aux questions relatives au terrorisme, aux armes, à la gouvernance et à la sécurité sur la scène mondiale, en particulier dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest. Il a écrit sur ces sujets en tant que chroniqueur pour un certain nombre de sites d’information en ligne au Ghana. Au nombre de ses articles, on peut citer notamment: Why Nations Pay Lip Service to Disarmament I&II, Ghana Stands Tall in the Fight Against Terrorism…, We Risk Having Nuclear Proxies in South Asia, Drone Revolution in Africa… Il a passé cinq (05) ans à travailler au sein du gouvernement ghanéen et est actuellement l’animateur en chef d’une émission consacrée aux relations internationales sur la chaine de télévision nationale. Il est titulaire d’une Licence en sciences politiques et histoire et d’un Master en relations internationales. Les idées exprimées dans cet article et ne représente pas les opinions de son employeur encore moins ceux du traducteur.


    [1] Javier Ruperez, “The United Nations in the Fight against Terrorism” (Research Paper, Counter-Terrorism Committee Executive Directorate), last accessed May 09, 2021, https://www.un.org/sc/ctc/wp-content/uploads/2017/01/2006_01_26_cted_lecture.pdf.

    [2] “Côte d’Ivoire: Extremism and Terrorism,” Report, last accessed May 09, 2021, https://www.counterextremism.com/countries/cote-d-ivoire.

    [3] “The Spread of Islam in West Africa,” Spice Digest, last accessed May 09, 2021, https://fsi-live.s3.us-west-1.amazonaws.com/s3fs-public/Islam.pdf.

    [4] Stephanie Zehnle, Sokoto Jihadism and the Islamic Frontier in West Africa (Kiel: De Gruyter, 2020).

    [5] Gregory A. Smith, “Al-Qaeda in the Lands of the Islamic Maghreb,” Journal of Strategic Security Vol. 2, No. 2 (May 2009: 53-72.

    [6] Roel Meijer and Paul Aarts, “Saudi Arabia Between Conservatism, Accommodation and Reform” (Research Study, Clingendael, 2012).

    [7] John Campbell, “Boko Haram: Origins, Challenges and Responses” (Policy Brief, NOREF, 2014), last accessed May 09, 2021, https://www.files.ethz.ch/isn/184795/5cf0ebc94fb36d66309681cda24664f9.pdf.

    [8] Alasdair Fotheringham, “In the Pandemic, are Europeans more Attracted to the Far Right?” Al Jazeera, February 03, 2021, last accessed May 09, 2021, https://www.aljazeera.com/features/2021/2/3/far-right-europe-pandemic.

    [9] Peter R. Neumann, “Negotiating with Terrorists,” Foreign Affairs, February 2007, last accessed May 09, 2021, https://www.foreignaffairs.com/articles/2007-01-01/negotiating-terrorists.

    [10] The Interpreter, “Does Killing Terrorist Leaders Make Any Difference?” The New York Times, last accessed May 09, 2021, https://www.nytimes.com/2016/08/31/world/middleeast/syria-killing-terrorist-leaders.html.

    [11] Daniel L. Byman and Jennifer R. Williams, “ISIS vs. Al Qaeda: Jihadism’s Global Civil War,” Brookings, February 24, 2015, last accessed May 09, 2021, https://www.brookings.edu/articles/isis-vs-al-qaeda-jihadisms-global-civil-war/.