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  • Protestation de la Jeunesse et Reforme de la Police: Quel est L’Avenir du Mouvement ENDSARS?

    Protestation de la Jeunesse et Reforme de la Police: Quel est L’Avenir du Mouvement ENDSARS?

    Traduit de l’anglais par Abdel-Aziz S. Ali Orou [coach.ali.translator@gmail.com]

    Résumé: En plus d’attirer l’attention des médias internationaux et des gouvernements étrangers, le récent soulèvement de la jeunesse au Nigéria, provoqué par l’appel à la réforme de la police, a ébranlé le gouvernement fédéral et les gouvernements des États. Il a également remis en question les principes fondamentaux du maintien de l’ordre au Nigéria. La plupart des observateurs ont décrit cette évolution comme un mouvement qui a poussé les autorités nigérianes dans leurs derniers retranchements. En d’autres termes, il a ébranlé le Nigéria jusque dans ses fondements. Dans une perspective historique, cet article affirme que la brutalité policière est antérieure à la création de la l’Unité spéciale anti-braquage SARS (Special Anti-Robbery Squad), une unité qui dépend de la police nigériane. Au Nigéria, la brutalité policière est profondément enracinée dans la philosophie policière coloniale et post-coloniale. En tant que tel, cet article tente également d’analyser les facteurs éloignés et proches qui sous-tendent les protestations du mouvement EndSARS visant à mettre un terme à la brutalité policière. En outre, il couvrira les résultats potentiels des protestations, les voies divergentes pour le mouvement, et les voies à suivre pour le gouvernement afin de répondre aux demandes des manifestants.

    Le fond du problème: La brutalité et l’impunité de la police nigériane ne se limitent pas à la fameuse et redoutable subdivision SARS. Au fond, elle est enracinée dans l’existence du pays. Cela étant dit, pour éviter un état d’anomie totale, il est nécessaire de procéder à une réforme systémique qui tienne compte des aspirations et des préoccupations des civils.

    Énoncé du problème: L’objectif de cet article est de mettre en évidence les facteurs sous-jacents de la brutalité et de l’impunité policières, qui sont à l’origine des manifestations EndSARS. En effet, il existe toujours des preuves accablantes de la brutalité policière et de l’audace incroyable avec laquelle certains membres de la police commettent des actes odieux. Il est donc opportun d’enquêter de manière narrative sur la genèse de la brutalité policière au Nigéria.

    Que faut-il en déduire?: Pour l’avenir, il est important que la jeunesse du pays continue à exiger une force de police réactive et responsable. L’Internet, et plus particulièrement les médias sociaux, a offert un moyen par lequel les jeunes Nigérians peuvent s’engager en permanence et faire pression sur le gouvernement pour exiger un changement du style actuel de maintien de l’ordre. Un autre aspect important que ce document souligne est la nécessité d’une réforme systémique visant à corriger les anomalies attribuées au système de gouvernance du Nigéria.

    Source: shutterstock/Teo-Inspiro International

    Source: shutterstock/Teo-Inspiro International

    Histoire de la brutalité policière au Nigéria

    Le maintien de l’ordre au Nigéria peut être classé dans les deux catégories suivantes : le maintien de l’ordre colonial et post-colonial. Notamment, avant la colonisation généralisée de l’Afrique, ses royaumes et empires possédaient une structure policière indigène qui servait à assurer la paix. Par exemple, les empires Songhai et Oyo (le long du fleuve Niger dans la province nigériane d’Oyo) disposaient d’une hiérarchie bien structurée au sein de leur système policier avant que les maîtres coloniaux ne l’arrêtent brusquement pour en introduire une nouvelle.

    La police nigériane a été créée à l’origine par les maîtres coloniaux selon le principe de la politique de domination indirecte, introduite dans certaines de leurs colonies[1] (il est important de mentionner que le type de police mis en place par les maîtres coloniaux était une force locale et décentralisée – ce qui est compréhensible en raison de la barrière de la langue – d’où la présence d’hommes de tribu comme agents de police). Les puissances coloniales sont arrivées avec des visées économiques, et la résistance des indigènes était considérée comme une violation de la loi et de l’ordre.[2] Ainsi, la création de la police visait à protéger les intérêts économiques des maîtres coloniaux. De la même manière, elle avait pour but d’infliger une punition rétributive aux délinquants supposés et de servir de moyen de dissuasion pour ceux qui s’engageaient dans la résistance (protestation). Déductivement, le style de maintien de l’ordre adopté par les maîtres coloniaux donnait la priorité aux mesures punitives plutôt qu’à la promotion des relations avec ou entre les indigènes. À cette époque, la police était utilisée comme une arme d’oppression, de ségrégation et d’assujettissement. En d’autres termes, elle était conçue pour susciter la peur et freiner les soulèvements des populations autochtones.

    Les puissances coloniales sont arrivées avec des visées économiques, et la résistance des indigènes était considérée comme une violation de la loi et de l’ordre. Ainsi, la création de la police visait à protéger les intérêts économiques des maîtres coloniaux.

    Malheureusement, le concept de police post-coloniale était à la fois une continuation de la structure d’aliénation héritée et un outil d’oppression des pauvres au Nigéria. Autrement dit, bien que l’oppresseur ait changé, la fonction de la police n’a pas changé. La nation a subi une incursion militaire qui a altéré son élan démocratique depuis son indépendance de la Grande-Bretagne. Par conséquent, le maintien de l’ordre post-colonial implique l’expérience acquise sous le régime militaire du Nigéria et dans sa structure démocratique, en particulier celle de 1999.

    L’expérience du maintien de l’ordre pendant le régime militaire n’était pas différente du statu quo d’aujourd’hui. À cette époque, la hiérarchie militaire (avec l’aide de la police) a réprimé les Nigérians qui réclamaient le retour à un gouvernement démocratique.

    Cela montre non seulement la poursuite d’une culture axée sur la légalité, mais aussi un fossé plus profond entre les citoyens et leur gouvernement. De même, cette époque a eu un impact négatif sur la police en tant qu’institution – elle a souffert de l’épuisement et de la négligence de l’autorité militaire[3]. En conséquence, s’en sont suivies des relations hostiles entre le public et la police.

    Le Nigéria a marqué son retour à un régime démocratique en 1999. On s’attendait à ce que la police adopte les principes d’une « police démocratique » qui favorise fortement le respect des droits de l’homme. La démocratie a été classée en formes forte et faible, ce qui a de fortes implications sur le style de fonctionnement de la police. La légitimité de la forme de gouvernance et de la structure policière a fait l’objet de discussions[4]. En raison de la nature des acteurs politiques au Nigéria, le style de fonctionnement de la police est sans doute conçu pour favoriser les élites au détriment du public. Cela se reflète dans la façon dont les officiers de police ont traité les Nigérians au fil des ans, en particulier dans le milieu récent qui a abouti au démantèlement de l’unité SARS. En résumé, il existe un argument primordial contre les fonctions et les opérations de l’entité, notamment en ce qui concerne la brutalité et les tendances oppressives des forces de police. En fait, ses antécédents historiques remontent aux premiers temps de la colonisation.

    Réformes de la police au Nigéria

    Après le retour à un régime démocratique en 1999, des appels ont été lancés au gouvernement pour une réforme de la police en tant qu’institution. Il a été demandé qu’elle se conforme aux meilleures pratiques internationales en matière de maintien de l’ordre. Après une première hésitation du gouvernement, le président Olusegun Obasanjo a nommé Sunday Ehindero au poste d’Inspecteur général de la police par intérim. Il est immédiatement passé à l’action, élaborant un programme en dix points pour réformer la police[5]. Au cours de cette période, le Nigéria a été témoin des tristement célèbres tueries d’Apo Six, qui a mis en lumière l’impitoyable brutalité policière et les exécutions extrajudiciaires. Conformément aux meilleures pratiques, Ehindero a donc mis en place un panel pour enquêter sur les six meurtres. Ces efforts n’ont donné aucun résultat. On peut dire qu’ils ont renforcé la poursuite des meurtres de Nigérians, ce qui témoigne d’un manque de responsabilité de la police. Dans la même veine, la réforme proposée par Ehindero s’est engagée à s’attaquer à la corruption de la police, en particulier aux pots-de-vin (paiements illicites versés aux officiers de police pour l’accomplissement de leurs missions), un fléau connu au sein de l’institution. De nombreuses preuves ont fait allusion au fait que la police est enfoncée jusqu’au cou dans la corruption, malgré les tentatives pour l’enrayer[6].

    Au cours de cette période, le Nigéria a été témoin des tristement célèbres tueries d’Apo Six, qui a mis en lumière l’impitoyable brutalité policière et les exécutions extrajudiciaires.

    De même, au cours de la période 1999-2012, le gouvernement a délégué des groupes de réforme tels que le Muhammad Danmadami Presidential Committee on Police Reform (2006) et le M.D Yusufu Presidential Committee Reform of the Nigeria Police Force. À l’inverse, les initiatives susmentionnées n’ont donné aucun résultat. Il est toutefois intéressant de noter que les recommandations de ces comités et d’autres, comme les rapports des OSC sur la réforme de la police, ont été adoptées par les gouvernements successifs et l’institution policière[7]. Dans sa présentation sur la réforme de la police au Nigéria, Hills a affirmé que  » la réforme de la police au Nigéria se résume à ce que la personne au pouvoir dit qu’elle est »[8], ce qui indique que les élites politiques du Nigéria doivent faire preuve d’un réel empressement pour accepter et pousser la réforme au sein de l’entité.

    Après plusieurs années de tentatives de la part des organisations de la société civile et des partenaires internationaux du développement en faveur d’un maintien de l’ordre démocratique au Nigéria, le président Muhammadu Buhari a récemment approuvé la Loi sur la réforme de la police (2020). Malgré cette avancée historique, le scepticisme est toujours de mise quant au respect du contenu de la loi. Il est clair que les Nigérians manquent de confiance dans la fiabilité de leur gouvernement. Cette méfiance a été renforcée par les récents cas de brutalité policière qui ont donné lieu à des manifestations nationales contre la loi, identifiées sous le vocable de EndSARS.

    La création et les opérations de la Brigade spéciale anti-braquage (SARS)

    Avant la création de l’unité SARS en 1992, grâce à Simeon Danladi Midena, sous l’égide du Département des enquêtes criminelles et du renseignement de la Force (FCIID), les commandements de police du Nigéria disposaient d’une brigade anti-braquage. La situation a changé en 1992 à la suite d’une série de vols à main armée dans l’Etat de Benin, qui ont remis en question l’efficacité de la brigade locale de Midena à l’époque. Après la mise en place d’une unité efficace au Benin, Midena a été transféré à Lagos pour aider à combattre une série de vols à main armée et d’enlèvements. Cela s’est métamorphosé en une cooptation de l’unité des autres États de la fédération en une seule unité sous l’égide du FCIID.

    L’objectif de l’unité était d’opérer secrètement, avec la permission de travailler sans uniforme et avec des véhicules banalisés qui dissimulaient son identité publique. Au fil des ans, les activités du SARS sont devenues visibles, par exemple en participant à des fouilles de voitures injustifiées. La chaîne de commandement a également changé, les membres rendant compte à un commissaire de police au Quartier général. Bénéficiant d’une grande liberté et d’une surveillance minimale, la subdivision est devenue célèbre pour ses exécutions extrajudiciaires et ses extorsions dans tout le Nigéria. À plusieurs reprises, le gouvernement a promis une réforme qui n’a abouti qu’à une nouvelle nomenclature telle que le passage du SARS au FSARS. Les tendances négatives du groupe se sont aggravées avant de culminer dans les récentes protestations contre les brutalités policières.

    L’objectif de l’unité était d’opérer secrètement, avec la permission de travailler sans uniforme et avec des véhicules banalisés qui dissimulaient son identité publique. Au fil des ans, les activités du SARS sont devenues visibles, par exemple en participant à des fouilles de voitures injustifiées.

    Il est impératif de mentionner que la brutalité policière en tant que phénomène n’est pas atypique au Nigéria et n’exclut pas les nations développées et en développement. Dans le monde entier, des réactions massives à la brutalité policière ont eu lieu dans des pays tels que les États-Unis, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, le Kenya et d’autres encore. Dans certains de ces pays, les réactions ont pris la forme d’une indignation publique et de manifestations exigeant la fin du racisme systémique et de la brutalité policière (qui caractérise le maintien de l’ordre public). Au Nigéria, le mot-dièse EndSARS a été utilisé pour partager des expériences d’agressions et de violences perpétrées par le personnel du défunt et tristement célèbre SARS. L’irrespect total des droits de l’homme n’est pas seulement l’apanage de la tristement célèbre unité SARS, il se manifeste également au sein de l’institution policière du pays. Les Nigérians sont habitués à la brutalité policière, à tel point qu’il n’existe aucune différence entre le personnel de l’unité SARS et les autres unités de la police. Cela s’explique notamment par le fait que les deux groupes partagent des tendances oppressives similaires. Les protestations nationales contre la brutalité policière ont commencé le 8 octobre 2020, lorsqu’une vidéo témoin a été diffusée. Dans cette vidéo, des officiers de police supposés appartenir à l’unité SARS auraient tiré et tué un jeune homme dans l’État du Delta, dans le sud du Nigéria[9].

    En réaction, des manifestations ont été organisées autour de concept EndSARS, l’action de masse réclamant la suppression définitive de l’unité qui a duré deux semaines[10]. Pendant ces événements, les forces de police nigérianes ont sillonné les villes du pays dans tous les sens. Créé au milieu des années 1990 pour lutter contre les vols à main armée, le SARS s’est progressivement métamorphosé en une force associée au harcèlement de citoyens innocents, à l’extorsion sous la menace d’arme à feu[11] et aux exécutions extrajudiciaires[12], comme indiqué précédemment.

    Moteurs et revendications du mouvement EndSARS

    La majorité des manifestants du mouvement sont de jeunes Nigérians. Le pays a une riche histoire de protestations de la jeunesse, prenez par exemple sa lutte pour l’indépendance qui a commencé par un soulèvement de la jeunesse. Les manifestants du mouvement EndSARS, qui s’opposent au profilage et au harcèlement injustes, se sont initialement mobilisés spontanément. Au début, les demandes des manifestants étaient simples: le gouvernement fédéral devait dissoudre le SARS, rendre justice aux victimes de brutalités policières et réformer la police. Aujourd’hui, les demandes se sont élargies, se fondant sur l’incapacité du gouvernement à offrir une prospérité économique équitable à ses citoyens et à sa jeunesse enragée. En plus d’appeler les forces de l’ordre à respecter l’état de droit, les manifestants exigent un plus grand respect des droits de l’homme et le renforcement de la démocratie[13]. En outre, ils protestent pour la relance des systèmes d’éducation et de santé ainsi que pour des efforts plus substantiels en matière de création d’emplois. En bref, le message du mouvement EndSARS est que les jeunes Nigérians veulent reprendre leur pays[14] des mains d’un ordre politique bien établi qui n’a pas servi leurs intérêts.

    Au début, les demandes des manifestants étaient simples: le gouvernement fédéral devait dissoudre le SARS, rendre justice aux victimes de brutalités policières et réformer la police.

    Le mécontentement des jeunes couvait déjà en raison de la crise économique provoquée par la chute de la demande mondiale de pétrole (aggravée par l’apparition de la pandémie de COVID-19), de la corruption institutionnalisée et des extravagances de l’État. Il est probable que ces facteurs ont aggravé la pauvreté. Ce qui précède coïncide également avec une période de huit mois de fermeture des établissements d’enseignement[15] en raison des grèves des professeurs d’université[16], laissant un certain nombre de jeunes aliénés et en colère. Selon le Bureau national des statistiques, au deuxième trimestre de 2020, le taux de chômage au Nigéria s’élevait au chiffre stupéfiant de 27,1 %, tandis que 28,6 % supplémentaires relevaient de la catégorie du sous-emploi. Le taux combiné de chômage et de sous-emploi s’élevait à 55,7 %. Sur les 21,7 millions de chômeurs, les jeunes (de 15 à 34 ans) représentent 34,9%, tandis qu’ils représentent également 28,2% des 22,9 millions de Nigérians sous-employés.

    L’aggravation des conditions économiques et les sombres prévisions pour l’avenir n’ont fait qu’attiser le feu. Le Nigéria s’est à peine remis de la récession économique qui a débuté en 2016, et le président Buhari a appelé les citoyens à se préparer à une nouvelle récession. Les jeunes étaient déjà courroucés par les rapports sur la corruption des élites de haut niveau, l’inflation galopante et les niveaux de chômage sans précédent. De surcroit, le gouvernement a annoncé des augmentations du prix du carburant[17] et de l’électricité[18].

    En gardant cela à l’esprit, les manifestations EndSARS sont devenues le symbole d’un ressentiment accru et ont ouvert la voie aux jeunes Nigérians marginalisés pour qu’ils puissent exprimer contre le gouvernement, leurs griefs refoulés, à commencer par les excès de SARS. Le gouvernement n’a pas réussi à remédier à ces excès, même après plusieurs promesses de réforme[19]. Les protestations contre la brutalité de cette unité ont commencé vers 2010. La première annonce de son démantèlement a été faite en 2014, puis en 2015, 2016 et enfin 2019[20]. La nature non partisane des protestations contre le SARS pourrait sans doute expliquer le soutien plus large que le mouvement a recueilli auprès du grand public et les succès qu’il a obtenus.

    Quelles sont les prochaines étapes pour le mouvement EndSARS ?

    À l’heure actuelle, la vague de manifestations de rue s’est calmée en raison de la répression militaire contre les participants. L’évolution, qu’elle soit intentionnelle ou non, du mouvement EndSARS dépend de son organisation et de la réponse de l’État. Le rôle des médias sociaux dans la conduite de la protestation EndSARS a été bien enregistré[21]. Cependant, cette méthode présente des risques car ce média a souvent du mal à atténuer les infox qui déclenchent des violences et des représailles, notamment entre les communautés ethno-religieuses. Par exemple, les habitants du Nord (en grande partie des partisans de Buhari) pensent que le programme EndSARS est dirigé par des habitants du Sud qui cherchent à discréditer Buhari[22] plutôt que d’être des doléances légitimes de la jeunesse.

    Quoi qu’il en soit, il convient de mentionner que les jeunes du Nord ont simultanément lancé une manifestation baptisée Secure North pour souligner les graves problèmes de sécurité auxquels est confronté le Nord du Nigéria[23].

    En outre, le risque que le mouvement soit détourné existe: la plupart des politiciens nigérians ne se sont pas privés d’exploiter la religion et les tensions géopolitiques pour des gains provinciaux. EndSARS pourrait leur fournir l’occasion de le faire. De même, les vandales ont profité du vide sécuritaire créé par les manifestations EndSARS et la colère qui les a suscitées. La tendance séparatiste du Peuple Indigène du Biafra (IPOB)[24] dans l’Est et de la République Oduduwa dans l’Ouest accompagnée de toute réponse déplacée du gouvernement pourraient créer des opportunités pour ces groupes d’approfondir leur rhétorique et d’accroitre leur mobilisation[25]. Ainsi, EndSARS pourrait finir par être détourné de son but.

    La plupart des politiciens nigérians ne se sont pas privés d’exploiter la religion et les tensions géopolitiques pour des gains provinciaux. EndSARS pourrait leur fournir l’occasion de le faire.

    Néanmoins, l’impulsion donnée par la manifestation EndSARS a accentué le potentiel de réforme globale de la police et de changement démocratique. Le gouvernement a cédé aux demandes des manifestants, promettant de réformer la police. Quoi qu’il en soit, si le gouvernement ne tient pas activement sa promesse de réforme de la police, les protestations soutenues en ligne avec des mots-dièses à la mode pourraient déclencher d’autres vagues de protestations dans la rue.

    Plus important encore, le mouvement EndSARS a montré l’ingéniosité des jeunes Nigérians à se rassembler et a fait naître la possibilité de traduire EndSARS en une cause politique. En effet, près de la moitié des électeurs inscrits au Nigéria sont âgés de 18 à 35 ans[26] – ce qui signifie que les jeunes détiendront la majorité de l’influence électorale lors des élections de 2023. S’ils sont efficacement organisés, ils pourraient renverser les établissements politiques actuels – les deux grands partis que sont le All-Progressive Congress et le People’s Democratic Party. Une telle action pourrait générer un véritable changement démocratique au Nigéria.

    La voie à suivre

    Il existe des voies divergentes à partir de la tournure des événements résultant de la fusillade de Lekki[27]. Comme la plupart des protestations dans le monde, EndSARS a violemment secoué la politique nationale. En revanche, c’est ce qui se passe après les actions de rue et de place qui peut faire la différence. Les manifestations de masse attirent souvent l’attention, mais ce qui suit est vital pour obtenir un changement réel et durable. Le travail des mobilisateurs dans les manifestations de EndSARS était bien défini. Un problème majeur auquel pourrait être confronté le mouvement EndSARS comme la plupart des autres est la diminution de l’attention locale, nationale et internationale. À mesure que les manifestations perdent de leur élan, la tendance du gouvernement à revenir sur les promesses faites au plus fort des protestations augmente, tandis que l’attention politique, médiatique et diplomatique accordée au mouvement laisse présager une évaporation rapide.

    Par conséquent, les manifestants du mouvement EndSARS doivent maintenir l’engagement des médias en ligne afin de continuer à alimenter la conversation sur la réforme complète de la police et de suivre les progrès accomplis dans la satisfaction des demandes qui ont initialement motivé les manifestations de rue. Les médias sociaux offrent des opportunités uniques pour atteindre de tels résultats.

    Un autre facteur concerne la capacité des manifestants de la campagne EndSARS à rester unis. Il a été dit que des divisions internes apparaissent facilement parmi les réformateurs une fois que l’adrénaline unificatrice de l’action de rue s’estompe. Lorsque cela se produit, le gouvernement a plus de facilité à éviter ou même à annuler les réformes. Pour maintenir l’élan civique, les activistes d’EndSARS doivent regarder au-delà des méthodes d’action directe efficace et envisager comment construire des ponts entre les divers acteurs impliqués à travers les lignes de fracture traditionnelles du Nigéria. Celles-ci pourraient être classées en nord ou sud, chrétiens ou musulmans, et ethnies majoritaires ou minoritaires. Dans les scénarios où cela se produit, les réformes (démocratiques ou liées à la police) ont le plus de chances d’être soutenues. Il est louable de noter qu’une conférence (#WEMOVE 2020 CONFERENCE avec Banky W, Timi Dakolo, etc) a été organisée par des jeunes et des célébrités sur une plateforme en ligne. Ensemble, ils ont planifié la prochaine ligne d’action en réaction au gouvernement qui a mis fin aux manifestations pacifiques par une répression militaire. Le mouvement EndSARS doit continuer à construire un ensemble plus large d’alliances et à développer des relations stratégiques avec la politique traditionnelle. De cette façon, il pourrait tirer profit des leçons d’autres pays où les mouvements sont passés de la protestation à la politique avec plus de succès.

    Pour maintenir l’élan civique, les activistes d’EndSARS doivent regarder au-delà des méthodes d’action directe efficace et envisager comment construire des ponts entre les divers acteurs impliqués à travers les lignes de fracture traditionnelles du Nigéria.

    En fin de compte, il est nécessaire de procéder à une réforme systémique dans toutes les secteurs de la vie publique au Nigéria, qui tient à des décennies de négligence et d’impunité de la part de son gouvernement. Il est donc essentiel d’évaluer l’état actuel des réformes nécessaires (qui garantissent le respect des droits de l’homme et offrent aux citoyens la possibilité de réaliser leurs aspirations).

    Il est important de reconnaître que les commissions judiciaires conduisant les enquêtes occupent des sièges dans différents États du pays. Néanmoins, ce qu’il adviendra d’EndSARS dépend largement de la volonté du gouvernement fédéral d’enquêter sur les fusillades de Lekki lors des manifestations. Les participants protestaient de manière ouverte, transparente et de bonne foi. Les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour répondre aux préoccupations exprimées dans un programme en sept points soumis au président Buhari ont également renforcé la confiance des manifestants et de la diaspora nigériane, qui continue de soutenir les manifestations de diverses manières.


    Olaniyi Olumayowa a obtenu une maîtrise en sociologie à l’Université Obafemi Awolowo (OAU), au Nigéria. Ayant un vif intérêt pour les études sur la police et la sécurité, il a focalisé sa recherche autour de ce sujet. Le deuxième auteur, Oluwole Ojewale, est titulaire d’un doctorat en planification urbaine et régionale de l’OAU. En tant que chercheur et expert en gestion de programmes, il a accumulé de solides références dans des domaines tels que la criminalité transnationale organisée, la violence urbaine, le maintien de l’ordre et la gouvernance de la sécurité en Afrique subsaharienne. Il est également co-auteur de Urbanization and Crime in Nigéria (Palgrave Macmillan, 2019) qui est réputé être le premier ouvrage complet sur l’intersection entre l’urbanisation et la criminalité au Nigéria. Les opinions présentées dans cet article sont strictement celles des auteurs, elles ne représentent pas celles de l’Institut d’études de sécurité (ISS) ou de l’Institut de sondage pour l’Afrique (API), encore moins celles du traducteur.


    [1] Etannibi Alemika and Innocent C. Chukwuma, Analysis of Police and Policing in Nigeria: A Desk Study on the Role of Policing As a Barrier To Change or Driver of Change in Nigeria (Lagos: CLEEN Foundation Justice Sector Reform, 2005), 1–24.

    [2] Kehinde David Adejuwon and Olusegun Adeyeri, « The Implications of British Colonial Economic Policies on Nigeria’s Development, » International Journal of Advanced Research in Management and Social Sciences, vol 1, no. 2 (August 2012): 1–16.

    [3] Etannibi E. O. Alemika (2010), « History, Context and Crises of the Police in Nigeria, » Repositioning the Nigeria Police to Meet the Challenges of Policing a Democratic Society in the Twenty-First Century and Beyond (Akwa-Ibom: Police Service Commission, 2010), 1–19.

    [4] US Department of Justice, « Policing in Emerging Democracies » (Report, Department of Justice, 1997), passim., https://www.ncjrs.gov/pdffiles/167024.pdf.

    [5] Alice Hills, « The Dialectic of Police Reform in Nigeria », The Journal of Modern African Studies 46.

    [6] Oluwaniyi Oluwatoyin O. Oluwaniyi, « Police and the Institution of Corruption in Nigeria », Policing and Society 21, no. 01 (January 2011):, 67–83, <https://doi.org/10.1080/10439463.2010.541245>.

    [7] Peter W. Naankiel, Chollom J. Christopher, and Godwin O. Olofu, « Police Reforms and National Security in Nigeria », History and Archaeology Taraba State University 2, no. 01: 98–114.

    [8] Alice Hills, « The Dialectic of Police Reform in Nigeria », The Journal of Modern African Studies 46, no. 02: 215–34, <https://doi.org/10.1017/S0022278X08003200>.

    [9] Suyin Haynes, “The Nigerian Army Shot Dead at Least 12 Peaceful Protesters in Lagos, Rights Group Says”, Time, October 23, 2020, https://time.com/5902112/nigeria-endsars-protest-shootings/.

    [10] Abuh Adamu et al, “EndSARS Protests: Buhari Promises to Improve Governance”, The Guardian, October 24, 2020, https://guardian.ng/news/endsars-protests-buhari-promises-to-improve-governance/.

    [11] Sada Malumfashi, “Nigeria’s SARS: A Brief History of the Special Anti-Robbery Squad,” Al Jazeera, October 22, 2020, https://www.aljazeera.com/features/2020/10/22/sars-a-brief-history-of-a-rogue-unit.

    [12] Emmanuel Akinwotu, “Nigeria to Disband Sars Police Unit Accused of Killings and bBrutality,” The Guardian, October 11, 2020, https://www.theguardian.com/world/2020/oct/11/nigeria-to-disband-sars-police-unit-accused-of-killings-and-brutality.

    [13] Sulaimon Nimot Adetola, “#EndSARS Protesters Highlight 7 Demands for Buhari,” PM News Nigeria, October 16, 2020, https://www.pmnewsnigeria.com/2020/10/16/endsars-protesters-highlight-7-demands-for-buhari/.

    [14] Freda Oti, „EndSARS – SARS Must End,” Linkedin, October 2020, https://www.linkedin.com/posts/freda-oti-44269614a_endsars-endsarsnow-sarsmustend-activity-6721458811149922304-I9F-/.

    [15] Wahab Adesina, “School Re-opening: We Are Still on Strike, ASUU Insists,” Vanguard, October 02, 2020, https://www.vanguardngr.com/2020/10/school-re-opening-we-are-still-on-strike-asuu-insists/.

    [16] Yinka Adeniran, “Stakeholders Back ASUU Strike ‘to secure our children’s future,” The Nation, October 26, 2020, https://thenationonlineng.net/stakeholders-back-asuu-strike-to-secure-our-childrens-future/.

    [17] Abiola Odutola, “President Buhari Reportedly Approves Electricity Tariff Increase from September 1st 2020,”Nairametrics, August 26, 2020, https://nairametrics.com/2020/08/26/electricity-tariff-increase-set-for-september-1st-2020/.

    [18] Sodiq Omolaoye, “For Five Years, Buhari ‘Campaigned’ for Corrupt Politicians, CDD says,”The Guardian, May 29, 2020, https://guardian.ng/news/for-five-years-buhari-campaigned-for-corrupt-politicians-cdd-says/.

    [19] Andrew Chow., “The Nigerian Government Has Pledged to #EndSARS and Reform the Police. This Isn’t the First Time They’ve Made That Promise,”Time, October 28, 2020, https://time.com/5904345/endsars-history-nigeria/.

    [20] Yomi Kazeem, “How a Youth-led Digital Movement is Driving Nigeria’s Largest Protests in a Decade,” Quartzafrica, October 12, 2020, https://qz.com/africa/1916319/how-nigerians-use-social-media-to-organize-endsars-protests/.

    [21] Ibid.

    [22] Iroanusi Esther Queen, “#EndSARS Protests Targeted at Buhari not SARS – Ex-senator,” Premium Times, October 13, 2020, https://www.premiumtimesng.com/news/more-news/420372-endsars-protests-targeted-at-buhari-not-sars-ex-senator.html.

    [23] Abdul Gafar Alabelewe AbdulGafar, “#SecureNorth Protesters List Demands,” The Nation, October 21, 2020, https://thenationonlineng.net/securenorth-protesters-list-demands/.

    [24] Udeajah Gordi, Collins Osuji (Owerri) and Odun Edward, “Don’t Give up, IPOB Urges Demonstrators,” Guardian, October 22, 2020, https://guardian.ng/news/dont-give-up-ipob-urges-demonstrators/.

    [25] Chimaobi Nwaiwu, “Don’t Compromise, IPOB leader, Kanu, Tells ENDSARS Protesters,” Vanguard, October 13, 2020, https://www.vanguardngr.com/2020/10/dont-compromise-ipob-leader-kanu-tells-endsars-protesters/.

    [26] Alexis Akwagyiram, “Nigeria’s Election: Young Voters, Old Candidates,” Reuters, February 13, 2019, https://www.reuters.com/article/us-nigeria-election-preview-idUSKCN1Q21CQ.

    [27] Samuel Omojoye, “Lekki Shootings: Between Facts and Fiction,” Vanguard, November 30, 2020, https://guardian.ng/opinion/lekki-shooting-between-facts-and-fiction/.

  • Nécessité d’une Synergie entre la Police et l’Armée

    Nécessité d’une Synergie entre la Police et l’Armée

    Traduit de l’anglaispar Abdel-Aziz S. Ali Orou [coach.ali.translator@gmail.com]

    Résumé: Le paysage sécuritaire contemporain au Nigéria pose des défis sans précédent qui dépassent les capacités de protection de la seule police conventionnelle. Globalement, la lutte contre l’insurrection et d’autres crises sécuritaires nouvelles nécessite la collaboration de la police et des autres agences de sécurité concernées, en particulier l’armée. Toutefois, cette collaboration peut être entravée par les conflits inter-institutionnels récurrents entre la police et les autres structures en charge de la sécurité. Nous avons mené une étude sur ce phénomène. Notre étude de la police nigériane et de l’armée nigériane, dont les résultats sont détaillés ci-dessous, révèle que les principales causes du clivage entre les deux organisations sont, entre autres, la suspicion mutuelle entre les membres des deux organisations, les différences dans la structure hiérarchique des deux institutions et les complexes de supériorité.

    Le fond du problème: Ce document examine les comptes-rendus de conflits entre la police et l’armée nigérianes afin d’explorer les causes possibles du conflit et de mettre en exergue le besoin inévitable pour les deux institutions de travailler ensemble pour un maintien de l’ordre public efficace. Le document utilise la perspective de la théorie du conflit de Dahrendorf.

    Enoncé du problème: Comment employer le secteur de la sécurité d’une nation de manière coordonnée et efficace pour contrer les menaces de sécurité interne en toute légalité ?

    Que faut-il en déduire?: Il est suggéré que les agents et le personnel des deux institutions reconnaissent la pertinence de leur complémentarité et forgent des relations harmonieuses pour promouvoir un maintien de l’ordre public efficace. Si l’on veut gagner la guerre contre la criminalité et l’insurrection au Nigéria, le gouvernement doit également élaborer une politique de parité des grades entre les deux organisations.

    Nigerian Flag

    Source: pixabay.com

    La situation sécuritaire au Nigéria

    La nécessité d’une société plus sûre est devenue le premier devoir du gouvernement et de l’appareil de sécurité du Nigéria face à l’augmentation des menaces à la sécurité et à l’émergence du terrorisme. L’insécurité imprègne toute la nation, freinant la croissance économique[1] et menaçant même l’unité nationale[2]. Le discours sur la sécurité est donc très pertinent, mettant toutes les options sur la table pour s’assurer que la crise est traitée de manière appropriée. À cette fin, la police communautaire contemporaine relève principalement de la responsabilité des forces de police du Nigéria.

    Et le travail des forces de police n’est pas facile : le Nigéria est confronté à de nombreuses crises sécuritaires simultanées. Il s’agit notamment de Boko Haram dans le nord-est du pays, des activités des « bergers tueurs » qui ont touché des États nigérians comme Kaduna et Benue et se sont étendus aux États du sud-ouest comme Oyo et Osun, des enlèvements qui se multiplient dans presque tout le pays et d’autres formes plus courantes de criminalité comme les vols à main armée, etc. La police est donc confrontée à la tâche herculéenne d’assurer une sécurité adéquate des personnes et des biens menacés sur de multiples fronts. Il n’est pas surprenant qu’elle ne puisse pas le faire seule.

    Il s’agit notamment de Boko Haram dans le nord-est du pays, des activités des « bergers tueurs » qui ont touché des États nigérians comme Kaduna et Benue et se sont étendus aux États du sud-ouest comme Oyo et Osun, des enlèvements qui se multiplient dans presque tout le pays et d’autres formes plus courantes de criminalité comme les vols à main armée, etc.

    En raison de l’insécurité apparemment croissante au Nigéria, le travail de la police a été étendu à d’autres appareils de sécurité du gouvernement, comme l’armée, la marine, le corps de sécurité et de défense civile du Nigéria et, dans certains cas, la Civilian Joint Task Force (JTF civile) et d’autres groupes d’autodéfense. Pour faciliter une coopération efficace, les États du pays ont inauguré des forces opérationnelles conjointes de la police, de l’armée et du corps de défense civile. Dans les lieux où les attaques terroristes se multiplient, les gouvernements régionaux ont également engagé des chasseurs ou des groupes d’autodéfense locaux pour renforcer la sécurité de leurs États et, en définitive, protéger la vie des citoyens. Ces unités opérationnelles conjointes ont pris différents noms de code, comme l’opération MESA à Lagos, l’opération Burst à Oyo, l’équipe d’intervention rapide dans l’État d’Ogun et l’opération Yaki à Kaduna. Ces efforts de coopération renforcent l’interdépendance et l’interrelation des institutions de sécurité nigérianes. Cependant, les conflits qui surviennent souvent entre le personnel des différentes organisations de sécurité coopérantes menacent l’efficacité du travail de ces unités opérationnelles.

    Les affrontements incessants entre la police et l’armée restent énigmatiques malgré tous les efforts des différentes parties prenantes pour proposer une solution permanente à ces crises. Ce conflit inter-institutionnel permanent contribue de manière contre-productive aux problèmes de sécurité auxquels le pays est confronté, car les frères d’armes adoptent des comportements suspects et ne se font pas confiance. La relation entre la police et l’armée dans le pays a été décrite comme la relation d’un chat et d’une souris, suggérant une bataille de diabolisation et de subordination entre la police et l’armée[3]. Cette étude examine donc les raisons sous-jacentes des affrontements entre la police et l’armée au Nigéria, et vise à promouvoir une relation plus efficace et, par extension, à garantir une société plus sûre au Nigéria.

    Les affrontements entre la police et l’armée en rétrospective

    Tableau 1: Liste d’incidents entre militaires et policiers au Nigéria[4]

    Tableau 1: Liste d’incidents entre militaires et policiers au Nigéria[4]

    Le tableau ci-dessus offre un regard rétrospectif sur la couverture médiatique des affrontements entre la police et l’armée nigérianes entre 2010-2018:

    Les affrontements entre les officiers de la police et de l’armée nigérianes sont souvent totalement inexplicables dans le feu de l’action et peuvent provoquer la panique au sein de la société. Par exemple, des citoyens vaquant à leurs occupations ont été mis en émoi lorsqu’une bagarre a éclaté entre un policier et un soldat, ce qui a poussé les gens à se mettre à l’abri[5]. Souvent, les catalyseurs de ces affrontements peuvent être aussi simples qu’un désaccord ou un malentendu résultant du chevauchement des fonctions de ces institutions dans la société. Cependant, à y regarder de plus près, cette menace apparemment insondable pourrait en fait être un héritage de la colonisation et des années d’autocratie ayant suivi l’indépendance.

    La perspective du conflit selon Dahrendorf

    La perspective de conflit du sociologue germano-britannique Dahrendorf montre comment les relations dans la société sont déterminées non seulement par le déterminisme économique, mais aussi par l’équilibre du pouvoir entre les différents groupes de la société. Selon lui, le conflit sociétal est fondé sur l’autorité, ce qui entraîne une lutte permanente entre les groupes dominants et les groupes subordonnés de la société – un facteur qui pourrait expliquer les affrontements incessants entre la police et l’armée au Nigéria. Le conflit actuel entre les deux entités est le produit de la lutte pour l’autorité et la domination de l’une sur l’autre. L’exposition des militaires à la position d’autorité au Nigéria leur a donné un sentiment de supériorité[6]. Comme l’indique Alemika, le régime militaire au Nigéria a eu un effet négatif prolongé sur les fonctions et les opérations de la police. La période de régime militaire entre 1966 et 1999 a vu l’appauvrissement progressif des effectifs et de l’arsenal de la police jusqu’à ce que l’institution policière soit effectivement reléguée au plus bas dans l’architecture de sécurité du pays. Le retour à la démocratie en 1999 a marqué le retour de la police comme symbole de l’autorité civile dans le pays. Cependant, la nouvelle dynamique du pouvoir a accru la rivalité entre ces deux entités.

    Le conflit actuel entre les deux entités est le produit de la lutte pour l’autorité et la domination de l’une sur l’autre. L’exposition des militaires à la position d’autorité au Nigéria leur a donné un sentiment de supériorité.

    La théorie de Dahrendorf suggère que la lutte pour la domination est au cœur du conflit dans la société nigériane, comme l’illustre la relation entre la police et l’armée nigérianes dans l’exercice de leurs fonctions constitutionnelles. La relation entre la police et l’armée n’a pas vraiment changé pendant la période postérieure au régime militaire au Nigéria, comme le montre souvent le rapport professionnel dont le grand public a été témoin. Le cas d’un kidnappeur notoire, Wadume[7], est parfaitement adapté, montrant l’incroyable rivalité entre ces institutions sœurs.

    Les probands de l’étude

    Les auteurs ont mené une étude pour explorer en profondeur la dynamique du pouvoir et les affrontements sécuritaires entre l’armée nigériane et la police nigériane. L’étude a adopté une méthode mixte simultanée dans le but d’obtenir des informations significatives et approfondies des participants. Cette conception, sans préférence, est une combinaison d’orientations qualitatives et quantitatives complémentaires. Au total, 157 membres de l’armée et de la police nigérianes ont participé à l’étude.

    L’étude a adopté une méthode mixte simultanée dans le but d’obtenir des informations significatives et approfondies des participants. Cette conception, sans préférence, est une combinaison d’orientations qualitatives et quantitatives complémentaires.

    L’étude a été menée en utilisant la technique d’échantillonnage raisonné. La technique d’échantillonnage raisonné, en tant que technique d’échantillonnage non probabiliste, est essentielle à l’étude d’un groupe censé être bien informé sur le sujet d’intérêt. Pour le questionnement, l’étude a utilisé un questionnaire ouvert pour obtenir des informations des participants à l’étude, et un guide d’entretien ouvert a été utilisé pour l’entretien en profondeur. La procédure d’analyse a suivi la méthode mixte adoptée par l’étude. Une analyse descriptive simple a été utilisée pour le volet quantitatif de l’étude, tandis que l’analyse de contenu a été utilisée pour compléter les informations obtenues dans le volet quantitatif de l’étude. Sur le plan éthique, l’étude a reçu l’approbation des autorités de la police et de l’armée nigérianes pour sa réalisation. La participation à l’étude a été sous le couvert de l’anonymat.

    Tableau 2: Variables socio-démographiques des participants

    Tableau 2: Variables socio-démographiques des participants

    Le tableau ci-dessus montre la répartition socio-démographique en pourcentage des répondants qui ont participé à l’étude. L’étude a montré que la majorité des répondants étaient âgés de 25 à 31 ans.

    Afin de faciliter une meilleure relation entre la police et l’armée au Nigéria, l’étude visait à découvrir les raisons possibles des affrontements incessants entre les deux institutions. L’étude a utilisé le respect mutuel, le mode de formation, les luttes de pouvoir et la promotion pour mesurer les raisons possibles de ces affrontements. En ce qui concerne les causes des affrontements, 57,3 % des participants pensent qu’il n’y a pas de respect mutuel entre les policiers et les soldats, la plupart de ces répondants affirmant que la raison possible de ce manque de respect est la lutte pour la suprématie entre les deux institutions.

    La majorité des participants ont également souligné le rôle de la formation comme cause possible de conflit. La majorité des participants à l’étude ont affirmé que les formations du personnel des deux institutions étaient différentes et distinctes et qu’elles étaient donc un catalyseur du conflit inter-institutionnel. Ils ont affirmé que les policiers sont exposés à une formation entièrement différente de la formation militaire, ce qui affecte l’image que chacune des institutions a de l’autre. En fin de compte, cette différence influence la relation « supérieur-inférieur » qui se joue actuellement entre ces institutions.

    La majorité des participants à l’étude ont affirmé que les formations du personnel des deux institutions étaient différentes et distinctes et qu’elles étaient donc un catalyseur du conflit inter-institutionnel. Ils ont affirmé que les policiers sont exposés à une formation entièrement différente de la formation militaire, ce qui affecte l’image que chacune des institutions a de l’autre.

    Lorsqu’on les interroge sur les problèmes de lutte pour le pouvoir, 35% des personnes interrogées pensent que les affrontements sont toujours dus à une lutte pour le pouvoir entre elles. Tout en considérant le chevauchement de leurs responsabilités et l’abus de pouvoir, 52,7% de ceux qui ont affirmé que le conflit de pouvoir est responsable du conflit ont affirmé que la question de la supériorité en est la cause principale.

    Certaines des personnes interrogées ont souligné que le manque d’ouverture d’esprit de la part du personnel de l’armée et de la police nigérianes contribue souvent à l’impasse entre ces institutions. Une personne interrogée a affirmé que la nature de l’insécurité dans le pays a justifié la création par le gouvernement d’opérations conjointes entre les différentes institutions de sécurité gouvernementales pour faire face aux crises de sécurité dans le pays. Toutefois, cela ne devrait pas nécessairement faire des forces de police des subordonnés de l’armée nigériane. Il est intéressant de noter que l’un des participants interrogés a affirmé que l’architecture de sécurité du Nigéria contribue à la crise en ne donnant pas de fonctions qui se chevauchent à ces institutions. Certains de leurs points de vue sont présentés ci-dessous:

    « En un mot, l’indiscipline et, pour aller plus loin, c’est le résultat de l’insouciance que nous avons dans le système nigérian en général. S’il y a une discipline et qu’elle est suivie à la lettre, nous ne devrions pas avoir de crises de ce genre, car en premier lieu, ils sont censés travailler ensemble pour le bien de la société dans son ensemble. En ce qui concerne l’insouciance, je dirais encore une fois que c’est une culture de l’impunité à laquelle nous sommes habitués au Nigéria. La perception erronée de la supériorité des militaires sur les policiers leur prend la tête et les incite à mal se comporter. En outre, les fonctionnaires de police font un usage excessif du pouvoir. Si la discipline est présente, par exemple, un soldat ne doit pas frapper un policier, même en présence de la loi, il doit en référer à son supérieur. De même, le policier doit savoir qu’il ne doit pas agresser qui que ce soit et encore moins un collègue agent de sécurité. » (Juriste)

    « C’est le résultat de l’ego personnel entre les jeunes gradés. Je ne pense pas que cela doive miner la relation entre les deux organisations. Parce que si cela avait miné l’organisation qu’ils représentent, nous n’aurions pas de bonnes relations avec la direction de l’autre organisation. Donc, la relation de travail a été très cordiale ». (Officier supérieur de police 2)

    Les participants à cette étude qui ont été interrogés ont exprimé des sentiments mitigés concernant la cause des affrontements entre la police et l’armée. Il est important de mentionner qu’il ne semble pas y avoir d’explication absolue à ces événements tragiques, bien que les participants aient pointé du doigt le manque de discipline et la lutte pour la supériorité comme un facteur critique contribuant à la crise entre la police et l’armée.

    Dispositions constitutionnelles pour la collaboration entre la police et l’armée

    En plus d’examiner la cause profonde du conflit inter-institutionnel, l’étude a cherché à comprendre la perception des participants sur les dispositions constitutionnelles relatives à la collaboration entre la police et l’armée. Cette question est devenue très importante compte tenu du fait que la Constitution de la République fédérale du Nigéria définit clairement que l’armée sera principalement utilisée pour faire face aux agressions extérieures et pour réprimer les insurrections, la Constitution prévoit également que la police maintiendra la paix et l’ordre sur le territoire nigérian. Le/la Président(e) est également habilité(e) par la Constitution à confier aux militaires d’autres missions qu’il/elle juge nécessaires, même à l’intérieur du pays. C’est sur cette base qu’a été posée la question visant à déterminer la compréhension du personnel de ces institutions concernant la collaboration opérationnelle.

    La grande majorité des personnes interrogées pensent qu’il est juste que la police et l’armée collaborent pour renforcer la sécurité dans le pays. De même, 84,7% des répondants ont affirmé que la collaboration entre la police et l’armée est constitutionnelle. Seul un maigre 15,3 % des personnes interrogées pensent que la Constitution du Nigéria ne prévoit pas de collaboration entre l’armée et la police.

    En outre, l’étude a demandé s’il existait une prise de conscience adéquate quant à la meilleure façon de collaborer. En réponse à cette question, 74,5% des participants pensent que les hommes et les officiers des institutions sont suffisamment sensibilisés. En comparaison, 25,5% des personnes interrogées étaient également d’avis qu’il n’y avait pas de sensibilisation adéquate des agents et des hommes aux dispositions de la Constitution en matière de collaboration. 66% des personnes interrogées pensent qu’il faut clarifier les choses pour que les officiers prennent conscience de la nécessité d’une collaboration entre les institutions.

    De même, les personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont été invitées à donner leur avis sur le rôle de la constitution de la République fédérale du Nigéria dans les efforts de collaboration des institutions de sécurité du pays. Certains participants pensent que la constitution est suffisamment explicite pour créer un groupe opérationnel conjoint afin de maintenir la paix et l’ordre dans la société. Certains participants ont fait valoir que la constitution donne la capacité de prérogative au Président, ce qui a conduit à la création de diverses initiatives de groupes opérationnels conjoints à travers le pays. Cet arrangement constitutionnel ne relègue pas et ne devrait pas reléguer l’effort et la capacité de la force de police nigériane à ce qui pourrait être décrit comme un « second rôle », « inférieur » ou « incapable ». Certaines opinions des répondants sont présentées ci-dessous:

    « Je ne pense pas qu’il y ait un problème à ce sujet. Je pense que, qu’il s’agisse d’un édit ou de la loi, une fois stipulé(e), le personnel doit simplement s’adapter à une telle disposition. Je pense que la police doit diriger parce que nous savons comment lutter au mieux contre la criminalité et cela ne peut pas créer de fossé entre les soldats et les policiers. » (2PPRO_M_P)

    « Je ne suis absolument pas d’accord avec le fait que la Constitution de la République fédérale contribue de quelque manière que ce soit à cette menace, car la Constitution de tout pays doit tenir compte de cette situation. Nous avons le ‘Nigeria Police Act’ qui définit clairement le rôle de la police, qui est de maintenir l’autorité civile, et l’armée a son propre rôle dans la constitution. » (P3_E_Oyo)

    Les personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont également été invitées à donner leur avis sur les méthodes les plus appropriées que le gouvernement peut employer pour résoudre ces conflits inter-institutionnels. Les répondants ont souligné que la responsabilité d’assurer la conformité légale et constitutionnelle entre ces institutions incombe au gouvernement. Il a été suggéré que le gouvernement établisse intentionnellement une synergie stratégique et objective entre la police et l’armée pour réprimer les affrontements incessants – une question d’urgence en raison de l’accroissement sans précédent de l’insécurité dans le pays. Une solution possible au problème résiderait dans les efforts de collaboration du pays.

    Discussion

    Les résultats de cette étude confirment l’affirmation de Ralf Dahrendorf selon laquelle les conflits sont principalement basés sur une lutte pour l’autorité ou le pouvoir. Cette affirmation est vraie si l’on considère les opérations de la police et de l’armée nigérianes, car elles doivent toutes deux travailler ensemble malgré les affrontements incessants qui se produisent entre elles. Cette étude affirme également que la relation entre la police et l’armée au Nigéria est une relation de type « chat et souris « [8]. La police et l’armée sont constamment dans une relation entourée de suspicion où elles se détestent mais sont obligées de travailler ensemble.

    Cette affirmation est vraie si l’on considère les opérations de la police et de l’armée nigérianes, car elles doivent toutes deux travailler ensemble malgré les affrontements incessants qui se produisent entre elles.

    De même, l’étude a révélé que la question de la supériorité joue également un rôle essentiel dans le passé. Les membres du personnel des deux agences s’affrontent parfois en raison de leurs grades, certains faisant référence à la structure hiérarchique de l’institution à laquelle ils appartiennent. Cela a causé des difficultés indicibles non seulement aux personnels de leur institution, mais aussi à d’innocents citoyens que ces hommes et ces femmes ont juré de protéger au péril de leur vie.

    Même sans l’intention de découvrir des incohérences dans les déclarations du personnel, l’étude a trouvé un taux élevé de déni. Cela pourrait être une tentative de certains participants à l’étude de projeter positivement l’image des institutions. Malgré l’évidence, certains membres du personnel des deux organisations ne croient pas qu’il y ait un conflit entre la police et l’armée, et ils ne sont donc pas prêts à admettre qu’il s’agit d’un problème qui nécessite une attention urgente. Ce déni maintient la menace toute vive car aucune mesure ne peut être prise pour résoudre ce problème si les acteurs clés n’acceptent pas la réalité.

    Recommandations

    On ne saurait trop insister sur la nécessité d’une relation efficace entre la police et l’armée, compte tenu des divers défis auxquels le pays est confronté ces derniers temps. Bien qu’il existe une possibilité d’harmonisation forte entre les deux institutions, des mesures clés doivent être prises pour aider à réaliser cet exploit louable, qui contribuera à faire progresser l’infrastructure de sécurité du pays. Certaines de ces étapes sont les suivantes :

    • Le respect mutuel : La question du respect mutuel est essentielle pour établir une relation efficace entre la police et l’armée. Cette étude révèle qu’une partie des frictions inter-institutionnelles est due à un manque de respect mutuel des personnels. Cela implique la reconnaissance du statut d’officier supérieur par les deux institutions. De même, la question du respect mutuel implique que les officiers de l’institution rendent le salut de manière adéquate et attendue. De nombreux affrontements entre les officiers de la police et de l’armée nigériane résultent d’un manque de respect mutuel entre eux. Cela signifie que ces affrontements pourraient être évités si la reconnaissance l’équivalence des grades était effective entre la police et l’armée.
    • Relation de pré-collaboration: Il est important de répéter à ce stade que la collaboration entre la police et l’armée est plausible, mais qu’elle serait grandement améliorée par l’établissement d’une relation de pré-collaboration entre les deux institutions. Cette relation de pré-collaboration pourrait prendre la forme d’un niveau de formation conjointe, notamment dans le domaine civil, afin de créer un lien entre les officiers représentant les deux institutions. De plus, les autorités des institutions devraient proposer des stratégies réalisables et concrètes qui pourraient aider à créer la synergie nécessaire entre la police et l’armée pour combattre l’ennemi commun: la criminalité dans le pays.


    Olaniyi Olumayowa: ses recherches portent sur les domaines du maintien de l’ordre public et de la sécurité publique. Sociologue formé à l’Université Obafemi Awolowo, il a développé un intérêt particulier pour le domaine de la criminologie.

    Lanre Ikuteyijo a suivi une formation de sociologue et d’anthropologue avec une spécialisation en criminologie et en recherche sociale à l’Université Obafemi Awolowo d’Ilé-Ifè. Il a obtenu plusieurs bourses dans d’autres universités en Afrique et ailleurs, notamment à l’université de Stellenbosch, en Afrique du Sud, et à l’université Brown, aux États-Unis. Ses publications actuelles incluent Social Dynamics of Prison Philosophies in Nigéria, publié par Cambridge Publishers, UK; The Challenges of Community Policing in Nigéria, publié par Sage Publishers, UK; entre autres. Le Dr Ikuteyijo est membre expérimenté du corps professoral de l’Université Obafemi Awolowo.


    [1] I.C. Achumba, O. S. Ighomereho and M. O. M. Akpor-Robaro, “Security Challenges in Nigeria and the Implications for Business Activities and Sustainable Development,” Journal of Economics and Sustainable Development 4, no. 2 (2013): 1700-2222.

    [2] Olabanji Olukayode Ewetan and Ese Urhie, “Insecurity and Socio-economic Development in Nigeria,” Journal of Economics and Sustainable Development 5, no. 1 (2014): 40-63.

    [3] Bayo Olupohunda, “Confessions of a Soldier: Why We Hate the Police,” Naijalog, January 23, 2014, https://doi.org/10.1111/j.1467-8330.2008.00613.x.

    [4] References: Gwendoly Njoku, “Wadume: Police Narrate How Billionaire Kidnap Kingpin Was Rearrested,” Daily Post, August 20, 2019; Ojo Damisi, “Soldiers and Police clash in Ondo,” The Nation Newspaper, December 12, 2017; Osagie Otabor, “15 injured as Army, police clash in Edo,” The Nation Newspaper, August 08, 2015; Bolaji Ogundele, “Many injured as police, air force personnel clash,” The Nation Newspaper, July 18, 2017, http://thenationonlineng.net/many-injured-police-air-force-personnel-clash/; J. Isiquzo & M. Ekene-Okoro, “Two Dead, Five Injured in Police, Civil Defence Clash,” The Nation Newspaper, March 28, 2013, http://thenationonlineng.net/two-dead-five-injured-in-police-civil-defence-clash/; AFP, “Four Dead in Army, Police Clashes in Yobe,” Guardian Newspaper, April 13, 2017, https://guardian.ng/news/four-dead-in-army-police-clashes-in-northeastern-nigeria/; Tony Akowe, “Army, Police Probe Clash of their Men in Ibadan,” The Nation Newspaper, April 13, 2013, http://thenationonlineng.net/soldiers-police-clash-ondo/; Prince Okafor, “Navy, Policemen Clash in Lagos over Tankers’ Movement,” Vanguard Newspaper, May 09, 2018, https://www.vanguardngr.com/2018/05/navy-policemen-clash-lagos-tankers-movement/; Emma Nnadozie & Evelyn Usman, “Bloody Clash Averted as Soldiers Invade Lagos Police Station,” Vanguard Newspaper, March 22, 2017, https://www.vanguardngr.com/2017/03/bloody-clash-averted-soldiers-invade-lagos-police-station/; Josiah Oluwole, “Pandemonium as Soldiers, Police Clash in Ekiti,” Times, December 30, 2017, https://www.premiumtimesng.com/news/headlines/253970-pandemonium-soldiers-police-clash-ekiti.html; Olasunkanmi Akoni, “Soldiers, Police in Fresh Clash in Lagos,” Vanguard Newspaper, June 24, 2011, https://www.vanguardngr.com/2011/06/soldiers-police-in-fresh-clash-in-lagos/; Simon Ebegbulem, “5 Killed as Soldiers, MOPOL Clash in Benin,” Vanguard, March 12, 2010 and Vanguard, “Police/Army clash: Why Espirit de Corps Must Not Go on Exile,” Vanguard Newspaper, June 08, 2011, https://www.vanguardngr.com/2011/06/policearmy-clashwhy-espirit-de-corps-must-not-go-on-exile/.

    [5] https://theeagleonline.com.ng/ebonyi-pandemonium-as-soldiers-policemen-clash-over-impounded-tricycle/.

    [6] Etannibi E. O. Alemika, “History, Context and Crisis of the Police in Nigeria,” Repositioning the Nigeria Police to Meet the Challenges of Policing a Democratic Society in the Twenty-First Century and Beyond (November 11, 2010): 1-19.

    [7] https://www.africanews.com/2019/08/09/nigeria-police-demands-justice-after-deadly-clash-with-soldiers/.

    [8] Olupohunda, “Confessions,” Naijalog, January 23, 2014.