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Le dernier rempart du Sahel dans la tourmente

Traduit de l’anglais par Abdel-Aziz S. Ali Orou [[email protected]]

Résumé: Le pays que laisse aujourd’hui Idriss Déby peut en effet être décrit comme le dernier rempart de la zone sahélienne. Pour le meilleur ou pour le pire, le Tchad moderne se trouve être une ôasis de stabilité, entouré par les conflits les plus vicieux de l’Afrique contemporaine. Malgré le chaos qui a englouti tous les pays voisins et sous la direction de l’ancien président Idriss Déby, le Tchad a pu fournir des troupes à l’ONU et au G5 Sahel soutenu par la France, faisant ainsi des forces armées tchadiennes le gendarme du Sahel. La mort de Déby fait perdre à la France le bénéfice de son allié probablement le plus fidèle en Afrique. L’on pourrait se permettre d’émettre des doutes quant à l’aptitude du fils d’Idriss Déby à poursuivre l’œuvre de son père. Ce document fournira au lecteur une analyse historique de l’histoire du Tchad depuis 1960 et du règne de 30 ans d’Idriss Déby Itno. Un examen de la future politique de défense et de sécurité du Tchad n’est pas prévu.

L’essentiel du message: Quand et comment exactement Idriss Déby Itno est mort reste flou, tout comme la question de savoir pourquoi la France ne s’est pas engagée dans la lutte également. Après s’être battu comme un lion à l’étranger, Idriss Déby Itno a finalement succombé à ses propres faiblesses intérieures. Comme tous les dirigeants tchadiens avant lui, il s’est avéré incapable de surmonter les lignes de fracture qui existent dans la société tchadienne. La mort de Déby prive la France de ce qui est probablement son plus fidèle allié en Afrique.

Enoncé du problème: Que nous apprend l’histoire de la politique étrangère tchadienne sous le règne d’Idriss Déby Itno sur la stabilité régionale actuelle du Sahel après la mort d’Itno?

Que faut-il en déduire?: Après les trois décennies de règne d’Idriss Déby Itno, le Tchad et la région du Sahel ont besoin d’un leadership politique inclusif et stable. Si le Tchad devait maintenant vaciller selon des lignes ethniques, comme le Soudan ou le Mali voisins, cela aurait des effets tout aussi dévastateurs, faisant s’écrouler le dernier rempart du Sahel.

Source: shutterstock.com/hyotographics

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Le Maréchal est mort, vive le Maréchal!

Le président de longue date du Tchad, Idriss Déby Itno, qui a dirigé le pays pendant plus de trois décennies (1990-2021), est mort comme il a vécu : comme un guerrier. Peu après avoir remporté son sixième mandat consécutif de président, il a été tué sur le champ de bataille dans le nord du pays, ce qui fait de lui le dernier chef d’État africain, après l’empereur éthiopien Yohannes IV en 1889, à avoir connu ce sort. Pendant des décennies, le maréchal Idriss Déby a été un partenaire stable de l’Occident – en particulier de la France – dans la zone du Sahel. Le maréchal était l’un des principaux piliers de Paris en Afrique, et sa perte va sans aucun doute mettre à mal l’Alliance franco-tchadienne. La question de savoir si son fils, qui a été élu président du Conseil militaire de transition après la mort de son père, sera en mesure de maintenir les bonnes relations avec la France et de préserver la stabilité du pays, est sujette à controverse. Depuis 2014, la capitale du Tchad sert de quartier général à l’opération militaire Barkhane menée par la France.

Le pays que laisse Idriss Déby peut être décrit comme le dernier rempart de la zone sahélienne. Depuis plus d’une décennie, la quasi-totalité de la région est en proie à la guerre et au terrorisme. Le Mali est en guerre depuis 2012, lorsqu’une armée hétéroclite composée de djihadistes et de séparatistes Touaregs a marché sur Bamako et n’a été arrêtée que par une intervention militaire française massive. La paix n’est pas revenue au Mali, qui a connu des coups d’État en août 2020 et en mai 2021.

Depuis plus d’une décennie, la quasi-totalité de la région est en proie à la guerre et au terrorisme. Le Mali est en guerre depuis 2012, lorsqu’une armée hétéroclite composée de djihadistes et de séparatistes Touaregs a marché sur Bamako et n’a été arrêtée que par une intervention militaire française massive.

Le Niger voisin n’a pas non plus été épargné par la dégradation de la situation sécuritaire dans la zone sahélienne. Ses frontières poreuses avec le Mali et le Burkina Faso permettent aux terroristes de circuler librement et de frapper à volonté depuis des années. Le résultat est une série de massacres atroces commis contre la population civile et les forces armées du Niger. Une tentative de coup d’État ratée en mars 2021 a été le triste point culminant de la détérioration de la situation sécuritaire. Le bouillant voisin du Tchad à l’est, le Soudan, n’a pas connu un meilleur sort: depuis le renversement du dictateur et antagoniste de longue date, Omar el-Béchir, en 2019, l’instabilité politique subsiste. Ce qui rend le Tchad unique dans sa position géographique et politique est le fait qu’il fonctionne comme un verrou dans la zone sahélienne indisciplinée.

Pour le meilleur ou pour le pire, le Tchad moderne se trouve être une ancre de stabilité, entouré par les conflits les plus vicieux de l’Afrique contemporaine. Au nord, le Tchad a une frontière avec la Libye. Sous le régime de Khadafi, la Libye représentait une grande menace et organisait régulièrement des incursions au Tchad. Depuis la chute de Khadafi, la Libye a sombré dans le chaos, déstabilisant ainsi de vastes étendues de la zone sahélienne. Au sud, le Tchad est engagé dans une lutte constante contre la force de combat terroriste la plus tenace du continent : Boko Haram. Après que le président de la République centrafricaine (RCA), François Bozizé, a été déposé du pouvoir en 2013, la RCA a subi le même sort que la Libye. La guerre civile, les troubles ethniques et l’antagonisme religieux ont plongé la RCA dans le chaos et ont rendu la frontière sud du Tchad vulnérable aux incursions en provenance de la RCA. Enfin, à l’Est, le conflit non résolu du Darfour, l’instabilité politique du nouveau gouvernement soudanais et la guerre civile en cours entre les deux groupes ethniques dominants dans la nouvelle République indépendante du Sud-Soudan créent une source permanente de frictions. Malgré le chaos qui a englouti tous les pays voisins, sous la direction de l’ancien président Idriss Déby, le Tchad a pu fournir des troupes à l’ONU et au G5 Sahel dirigé par la France, faisant ainsi des forces armées tchadiennes le gendarme du Sahel. Les forces armées tchadiennes ont participé activement à l’opération française “Serval” et se sont imposées comme la force armée la plus redoutable de la région.

Même si le Tchad a fourni des troupes à l’ONU et au G5 Sahel et qu’il combat Boko Haram depuis des années, cette démonstration de force extérieure masque sa faiblesse intérieure. Comme ses voisins de la région et du Sahel au sens large, le Tchad a souffert des mêmes problèmes intérieurs que le Soudan, le Mali ou le Niger. Une population sédentaire africaine majoritairement noire se trouve opposée à des peuples nomades. Tout comme au Mali[1], le Tchad souffre de ce conflit depuis des décennies. Démonstration de force extérieure et instabilité intérieure, voilà ce qui constitue le paradoxe tchadien. Si le Tchad devait rejoindre le Mali, la Libye ou le Soudan et se décomposer selon des lignes ethniques ou être ravagé par une guerre civile de type somalien, cela aurait des conséquences désastreuses pour l’Afrique du Nord et l’Europe.

Le coeur mort de l’Afrique

Souvent décrit comme le cœur mort de l’Afrique[2] en raison de sa position géographique enclavée, le Tchad est certainement l’un des pays les plus ignorés de cette planète. Cela est vrai dans l’anglosphère, mais surtout au centre de l’Europe. L’impression générale de nombreux Européens, en dehors de la France, est que le Tchad est à peine digne d’intérêt et reste essentiellement un point vide. Divisé en un sud africain noir, animiste et chrétien, et un centre et un nord du pays nomade, arabe et islamisé, le Tchad est un exemple parfait de la difficulté des pays du Sahel à concilier l’antagonisme de leurs différents groupes ethniques. Lorsque le Tchad est devenu indépendant en 1960, son premier président François Tombalbaye – un Sara du sud – a mis à l’écart les musulmans du nord par sa politique. Les Tchadiens arabophones qui ont étudié à l’étranger, notamment en Égypte, ont été exclus des postes de la fonction publique[3]. Les Noirs du sud, qui constituent plus de la moitié de la population du Tchad, ont accueilli les troupes françaises au début du 20e siècle comme une puissance protectrice contre les raids d’esclaves du nord. Les Sudistes ont réussi à s’élever dans le secteur public et, en tant que paysans pour la plupart, ils ont grandement bénéficié du développement français de l’industrie du coton, à l’époque la seule source de devises étrangères du pays[4]. Tombalbaye a instauré une dictature brutale qui a fini par provoquer une réaction armée des Gorane et des Zaghawa, deux peuples nomades du nord et de l’est du pays. En 1969, les forces françaises ont dû venir à la rescousse de Tombalbaye[5]. D’une part, l’objectif de cette opération française était de soutenir le régime de François Tombalbaye, et d’autre part, il s’agissait de maintenir l’unité du Tchad[6]. N’ayant pas tiré les leçons de ses erreurs précédentes, Tombalbaye a poursuivi sa campagne de marginalisation et de discrimination. L’attitude à l’égard des musulmans du Nord a atteint son point culminant tragique en 1973 lorsque Tombalbaye a lancé – sur les traces de Mobutu – sa campagne d'”authenticité”, purgeant tout ce qui semblait étranger à la culture tchadienne. La capitale Fort Lamy fut rebaptisée N’Djaména, Tombalbaye changea même son prénom de François à Ngarta, et le Yondo – le rite d’initiation du peuple Sara – devint presque la religion nationale que tous les Tchadiens devaient suivre[7]. La révolution culturelle désastreuse de Tombalbaye fut rejetée par presque tous les segments de la société. En 1975, il a essayé de purger l’armée, une décision qui a été la goutte d’eau qui a fait débordé le vase, entrainant la chute du gouvernement de Tombalbaye. Lors du coup d’État qui a suivi, Tombalbaye a été assassiné, déserté par tous ses anciens partisans dans ses dernières heures[8].

Les Noirs du sud, qui constituent plus de la moitié de la population du Tchad, ont accueilli les troupes françaises au début du 20e siècle comme une puissance protectrice contre les raids d’esclaves du nord.

La mort de Tombalbaye a été suivie d’une décennie et demie de guerre fratricide entre divers groupes rebelles Gorane et Zagahwa. Contrairement au Mali, où les sudistes se sont maintenus au pouvoir grâce à leur supériorité démographique, c’est le contraire qui s’est produit au Tchad. Depuis la chute de Tombalbaye et de son successeur, le président de courte durée Félix Mallou, les sudistes ont perdu le pouvoir au profit des peuples du nord et sont absents du pouvoir depuis lors. En 1982, le Gorane Hissène Habré est devenu président du Tchad et a instauré un règne de terreur. On estime qu’environ 40 000 personnes sont mortes à cause de la violence pendant les huit années où Habré était président du Tchad. Tout comme Tombalbaye, Hissène Habré a été sauvé par deux interventions militaires françaises en 1983 et 1986 qui ont réussi à repousser deux incursions libyennes[9].

La principale opposition à Habré venait du peuple Zaghawa, que dirigeait Idriss Déby. En 1989, une tentative de coup d’État avait échoué, et Déby s’était réfugié au Soudan. Un an plus tard, il a réussi et a pu chasser Hissène Habré du pouvoir. Ce qui est frappant dans le coup d’État de 1990, c’est que les forces françaises du Tchad sont restées neutres. Habré, qui était l’homme que Paris soutenait, s’est vu refuser le soutien des Français et a dû s’exiler. En 1990, Habré est devenu un handicap pour les Français en raison de son mauvais bilan en matière de droits de l’homme et de sa préférence apparente pour les entreprises américaines au détriment des entreprises françaises au Tchad. Comment et dans quelle mesure la France a aidé Idriss Déby reste flou. Jacques Pelletier, ancien ministre français du développement, a fait une remarque laconique après le coup d’État : “On n’a pas aidé Idriss Déby, on l’a laissé faire”[10].

Le Gendarme du Sahel

Idriss Déby a dirigé le Tchad d’une main de fer pendant plus de trois décennies. Il a étroitement aligné son pays sur l’ancien maître colonial. Pourtant, contrairement à de nombreux autres chefs d’État africains qui comptaient sur la France pour leur survie, Idriss Déby ne s’est pas contenté de recevoir, il a aussi donné. Au cours des 30 années de son règne, les forces armées tchadiennes sont devenues la meilleure force de combat de la région – et peut-être même du continent. Adoptant le rôle de gendarme du Sahel, Déby a envoyé des soldats tchadiens dans tous les points chauds du Sahel. En 2013, le Tchad a été le seul pays africain à participer militairement à l’opération française “Serval”. Sans la superbe force de combat des soldats tchadiens, il aurait été beaucoup plus difficile pour les Français de conquérir le terrain montagneux de l’Adrar des Ifoghas au nord du Mali. Outre l’opération “Serval”, les forces armées tchadiennes ont participé aux opérations menées contre Boko Haram dans le nord du Nigéria et le nord du Cameroun. En outre, en février 2021, deux mois avant sa mort, Déby s’est engagé à envoyer 1 200 hommes supplémentaires dans les trois zones frontalières instables du Mali, du Niger et du Burkina Faso.[11] L’homme fort du Tchad a continué à donner. Ce qui a rendu tous ces efforts militaires possibles, c’est la découverte et la production de pétrole. Cela s’est avéré être un avantage essentiel pour la construction d’une armée forte. En 2004, lorsque la production de pétrole a commencé, l’économie tchadienne a connu une croissance de 30%[12]. Une grande partie de l’argent du pétrole a ensuite été détournée vers les amis d’Idriss Déby et les militaires plutôt que vers le peuple tchadien et les investissements dans les infrastructures.

Outre l’opération “Serval”, les forces armées tchadiennes ont participé aux opérations menées contre Boko Haram dans le nord du Nigéria et le nord du Cameroun. En outre, en février 2021, deux mois avant sa mort, Déby s’est engagé à envoyer 1 200 hommes supplémentaires dans les trois zones frontalières instables du Mali, du Niger et du Burkina Faso.

Idriss Déby était le plus fidèle allié de la France dans la région. Pour chaque président français, il y a eu un moment où il a fallu sauver “le soldat Déby”, comme l’a si bien dit l’africaniste français Antoine Glaser[13]. Car même si Idriss Déby s’est avéré être un allié loyal de la France et de l’Occident au Sahel, la situation était bien différente plus près de chez lui. Le pouvoir d’Idriss Déby a été contesté par des groupes rebelles opposés, tout comme celui de Tombalbaye ou de Habré avant lui. En 2008, le président Sarkozy a dû sauver Déby lorsque les forces rebelles tchadiennes, opposées à Déby, ont réussi à conquérir une partie de N’Djaména. Ce n’est qu’avec l’aide des frappes aériennes françaises que les rebelles ont été repoussés et que Déby a triomphé[14].

Les fantasmes ottomans

Même un président aussi puissant qu’Idriss Déby n’a pas pu surmonter le paradoxe tchadien. Depuis que le Tchad est devenu indépendant en 1960, différents groupes rebelles se sont constamment opposés au gouvernement central. Chaque fois que ces différents groupes rebelles ont été battus sur le champ de bataille, ils ont cherché refuge dans les pays voisins, notamment au Soudan ou en Libye. Le voisin du Tchad, au nord, était un foyer constant de mouvements de résistance. Ces mouvements ont ensuite été instrumentalisés par Khadhafi pour étendre l’influence libyenne à toute la zone sahélienne. Lorsque Khadafi a été renversé en 2011, les groupes rebelles opposés au pouvoir d’Idriss Déby ont trouvé refuge dans le sud de la Libye. En octobre 2018, Khalifa Haftar, le nouvel homme fort de l’est de la Libye et, à l’époque, la seule personne potentiellement capable d’unifier à nouveau la Libye, s’est rendu en visite officielle à N’Djaména. En échange d’un soutien militaire, Haftar a promis à Déby de pourchasser les groupes rebelles tchadiens qui s’abritaient en Libye. En janvier 2019, Haftar a lancé une offensive dans la province du Fezzan, dans le sud de la Libye, pour chasser les rebelles tchadiens. Parmi ces rebelles se trouvaient deux neveux d’Idriss Déby, qui se battaient sous la bannière de l’URF (Union des forces de la résistance) contre le gouvernement central[15]. Fin janvier, l’URF est à nouveau entrée en territoire tchadien, et début février, elle a lancé son attaque à grande échelle. C’était maintenant au tour du président Macron de sauver “le soldat Déby”. Les frappes aériennes françaises ont anéanti le groupe rebelle de l’URF et Idriss Déby a une fois de plus survécu à l’assaut des rebelles.

À la mi-juillet 2020, les chances d’Idriss Déby s’amenuisèrent. Son frère d’armes, le général Haftar, vennait de subir un revers majeur aux mains des drones et des soldats turcs lors de la bataille de Tripoli. Après la défaite d’Haftar aux portes de Tripoli, des groupes rebelles tchadiens opposés à Déby ont à nouveau franchi la frontière libyenne et exploité la vacance du pouvoir dans la province du Fezzan, au sud de la Libye. Au Fezzan, ces groupes rebelles ont été armés et approvisionnés par la Turquie. Depuis des années, les ambitions néo-ottomanes dominent la pensée stratégique d’Ankara. L’objectif de la Turquie en armant les groupes rebelles tchadiens était d’étendre son influence au plus profond de la zone sahélienne.

En avril 2021, les Tchadiens se sont une nouvelle fois rendus aux urnes, mais avant l’ouverture des premiers bureaux de vote, le vainqueur était déjà certain. Sans aucun doute, Idriss Déby serait déclaré vainqueur. Le jour de l’élection, le mouvement rebelle FACT (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) a franchi la frontière entre la Libye et le Tchad. Une semaine plus tard, il s’est retrouvé dans la province tchadienne du Kanem. Ayant été soldat toute sa vie, Idriss Déby s’est rendu sur la ligne de front pour commander personnellement ses troupes.

On ne sait toujours pas quand et comment Idriss Déby Itno est mort exactement, ni pourquoi la France ne s’est pas engagée dans la lutte. Après avoir combattu à l’étranger comme un lion, Idriss Déby Itno a finalement succombé à ses propres faiblesses intérieures. Comme tous les dirigeants tchadiens avant lui, il s’est avéré incapable de surmonter les lignes de fracture qui existent dans la société tchadienne. La mort de Déby prive la France de son plus fidèle allié en Afrique, puisqu’il était un fidèle allié de la France. L’engagement de la France dans la zone sahélienne est exclusivement lié à des objectifs de sécurité. Très souvent, cependant, la France est également critiquée pour son exploitation économique dans la zone du Sahel. Il s’agit là d’un vieux mythe qui est loin de la vérité. En outre, on ne sait pas si le fils d’Idriss Déby sera en mesure de poursuivre l’œuvre de son père. Si le Tchad n’était pas en mesure de fournir des troupes au G5 Sahel et à la mission de l’ONU au Mali et de continuer à mener la lutte contre Boko Haram au Nigéria et au Cameroun, cela aurait un effet dévastateur sur toute la région. De plus, si le Tchad devait maintenant vaciller selon des lignes ethniques, comme le Soudan ou le Mali voisins, cela aurait des effets tout aussi dévastateurs, faisant s’effondrer le dernier rempart du Sahel. Pour l’instant, la situation reste floue. Bien sûr, le fils de Déby promet de poursuivre la coopération avec la France, mais il reste à voir si les questions intérieures permettront l’envoi de milliers de soldats tchadiens à l’étranger ou si ces soldats sont plus utiles dans le pays pour défendre la famille Déby et ses intérêts.

Dr. Laurenz Fürst a étudié l’histoire, la slavistique et l’africanistique. Domaine de recherche: Géopolitique, développement des conflits et mouvements de sécession dans les Balkans, le Moyen-Orient, le Caucase et l’Afrique sub-saharienne. Les opinions contenues dans cet article n’engagent que l’auteur et en aucun cas le traducteur.

[1] Laurenz Fürst, „Krisenstaat Mali. Was tun,“ Österreichische Militärische Zeitschrift 2/2021.

[2] Herve‘ Bourges, Dictionnaire amoureux de l’Afrique (Paris, 2017), 770.

[3] Jean-Francois Bayart, L‘Etat en Afrique. La Politique du Ventre (Paris, 2006), 196.

[4] Martin Meredith, The State of Africa. A History of Fifty Years of Independence (London 2005), 347.

[5] Frédéric Turpin, Jacques Foccard, Dans l’ombre du pouvoir (Paris 2015), 210.

[6] Idem.

[7] Bernard Lugan, Les guerres du Sahel. Des origines à nos jours (Panissières, 2019), 153.

[8] Martin Meredith, The State of Africa. A History of Fifty Years of Independence (London 2005), 349.

[9] Philip Short, Mitterand. A Study in Ambiguity (London, 2014), 491.

[10] Claude Wauthier, Quatre Présidents et l’Afrique (Paris, 1995), 568.

[11] https://www.africanews.com/2021/02/16/chad-sends-troops-to-volatile-sahel-and-leaders-debate-limits-of-force/, last accessed 09.06.2021.

[12] Tom Burgis, The Looting Machine. Warlords, Tycoons, Smugglers and the systematic Theft of Africa’s Wealth (London 2016), 154-155.

[13] Antoine Glaser/ Pascal Airault, Le Piège Africain de Macron (Paris, 2021), 26.

[14] Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Une Guerre Perdue (Paris, 2020), 44.

[15] https://www.crisisgroup.org/africa/central-africa/chad/au-tchad-lincursion-des-rebelles-devoile-les-fragilites-du-pouvoir, abgerufen 11.06.2021.

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